Ma bouteille à la mer, au fil des vagues, en a croisé une autre : mon copain Daniel avait lui aussi serré des messages dans une bouteille, stockés au sec faute d'avoir un ordi pour "débloguer" comme tout le monde. Séduit par la recherche de valeurs de gauche, un sport qu'il pratique depuis des décennies, il a décidé de rejoindre la caverne d'Ali Baba et ses quarante valeurs, en ajoutant la lumière de sa chandelle à celle de ma bougie moto. On n'est pas trop de deux pour tâtonner dans l'obscurité !
Je prendra donc la liberté de puiser dans son tas d'idées, pour les distiller au fil du courant. Certaines ont eu le temps de mûrir sans prendre une ride, comme cette réflexion de juin 1986 (!), écrite quelques jours avant la Convention socialiste, et intitulée "pour moderniser, il faut modestiser".
Sa première proposition, c'est qu'il faut d'abord "redécouvrir Pythagore": "Il y a tant de choses à moderniser... ce n'est pas la peine de s'épuiser à inventer la brouette". Et de citer Jaurès pour qui "la démocratie apparaît comme une masse prodigieusement confuse; il serait suicidaire pour les socialistes de vouloir continuer à ignorer les contradictions et les complications; ils doivent au contraire, pour en dégager les impulsions décisives, les aider d'abord à se manifester sur l'écran lumineux du suffrage uinversel".
"Cette dernière image ne me fera pas écrire que Jaurès est l'inventeur de la télévision... Il n'en reste pas moins qu'un détour par les sources fera parfois gagner du temps, et qu'il n'est pas toujours indispensable de consacrer ses soirées à chercher de nouvelles rédactions pour le théorème de Pythagore ou le principe d'Archimède". Cela, c'est pour les nouveaux penseurs ou les nouveaux politiques...
"Quand on veut moderniser, on pense à ouvrir de nouveaux chantiers. Ni les idées ni l'enthousiasme ne manquent de ce côté... Tant mieux ! Mais n'oublions pas de défendre et de valoriser ce que nous avons déjà construit. Ne laissons pas en plan ce qui a été commencé." Dont, par exemple, la construction européenne ?
Je suis obligé de résumer, mais j'y reviendra, notamment sur ce que Daniel écrit des rapports entre socialistes, et de leurs rapports avec leurs partenaires naturels : tout est parfaitement actuel. Mais je ne résiste pas au plaisir de citer ce passage sur le nécessaire "modestisme":
"Qu'il s'agisse de répondre aux adversaires, de dialoguer avec les hésitants ou de débattre entre socialistes, il faut un peu d'humilité. Les socialistes seront rejetés s'ils se présentent en colonisateurs bienfaiteurs désireux d'éclairer les barbares. Q'ils acceptent d'être à l'écoute, leurs chances d'être écoutés en seront accrues. Et qu'ils gardent présent à l'esprit le conseil de La Rochefoucauld: on ne doit jamais parler avec des airs d'auroité ni se servir de paroles et de termes plus grands que les choses".
Aucun rapport avec cet article acide de Libération ce matin, intitulé "A Lille, la méthode Aubry au stade critique", à propos d'une polémique entre la mairie et des associations de riverains de la citadelle Vauban, hostiles aux projets d'agrandissement du stade qui menaceraient l'environnement de la citadelle. Il ne serait pas politiquement correct de citer les propos des opposants UMP à la mairie socialiste, mais Libé, un des rares organes de presse encore réellement libres en France, commente quand même: "De quoi attiser les critiques envers l'édile soocialiste: la "méthode Aubry" s'avère peu propice au compromis, beaucoup lui reprochant de trop s'appuyer sur un noyau d'experts, pas assez sur les élus". Tiens, ça me rappelle un autre dossier...
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