La désaffection des Français pour la politique - phénomène qui n'est du reste pas exclusivement Français - est sans doute grandement liée au rôle croissant qu'y jouent les professionnels, ceux qui font de la politique une carrière personnelle.
Preuve en est le débat - symétrique à droite et à gauche - sur la nécessité d'organiser des "primaires" avant les présidentielles, sorte de pré-premier tour qui permet aux formations politiques d'affiner leur sélection en interne, par un vote réservé aux seuls militants encartés et à jour de leur cotisation, avant de se présenter aux électeurs "de base". Est-ce un réel progrès de la démocratie ?
Si l'on ajoute à ce phénomène le poids croissant, parmi les "permanents" traditionnels des partis, des "technocrates" issus des grands concours de l'administration et dont beaucoup sont interchangeables (je parle du passage d'une majorité à l'autre que certains font avec aisance en tant que "grands serviteurs de l'Etat"), on comprend mieux la désaffection d'une "base" électorale très peu au fait de la chose politique.
Ne parlons pas du débat actuel au sein de la droite, qui a le mérite de la franchise en se réduisant peu ou prou à des rivalités de personnes (sarkozystes contre chiraco-villepinistes). Dans la gauche socialiste, les affrontements de personnes (François contre Laurent, etc.) ont du mal à se dissimuler derrière des motions verbeuses et peu compréhensibles, où le débat d'idées est cruellement absent. Raison pour laquelle, du reste, il ne sera pas trop difficile au PS d'arriver à une synthèse.
Qu'est-ce qui distingue sur le fond les différentes tendances de la gauche entre elles, et la gauche de la droite ? Les clivages idéologiques ayant été déclarés "dépassés", on se limite à des considérations trop complexes sur la fiscalité, sur le déficit de la sécurité sociale, sur la privatisation d'EDF et des autoroutes. La gauche vertueuse avait moins de complexes pour privatiser quand elle était aux responsabilités, et elle l'a fait alors de manière responsable, mais dans l'opposition elle semble l'avoir oublié.
Le thème le plus populaire dans l'électorat, et celui qui fait le plus peur aux politiques, toutes tendances confondues, est celui de l'alternance. L'alternance comme valeur républicaine, comme garantie qu'aucune formation politique ne reste trop longtemps au pouvoir pour risquer de le corrompre. La gauche serait-elle plus légitime à rester plus longtemps ? L'expérience nous prouve bien que non : l'alternance est universelle, réversible, elle donne tout son sens à la démocratie et au pouvoir de l'électeur.
Faute de l'avoir compris, les partis politiques en sont réduits à subir la cohabitation, la neutralisation d'une majorité par une autre. C'est le pire des systèmes, qui n'est pas simplement la conséquence de la révision constitutionnelle de 1962 laquelle permet ces majorités rivales, présidentielle et législative. Mais c'est beaucoup plus un signal fort de l'électorat, qui ne veut pas se lier de façon univoque à une majorité trop massive.
La meilleure façon de se concilier l'électeur n'est-elle pas, par conséquent, d'affirmer haut et fort que le premier devoir de la démocratie est celui de l'alternance ? Et que tout candidat à une fonction élective entend exercer cette fonction à titre transitoire ? Cela se fait dans d'autres pays. Il n'est pas trop tard pour exiger en France que les hommes politiques s'engagent sur leur futur, qui est aussi le nôtre.
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