L'ampleur de la polémique actuelle sur les caricatures du prophète publiées par la presse danoise puis française s'accompagne d'un déferlement de mauvaise foi de tous côtés, avec des pulsions que Gaston Bouthoul, le père de la polémologie, n'hésiterait pas à qualifier de "belligènes". Plutôt inquiétant.Mauvaise foi évidemment dans un certain nombre de pays arabes ou islamiques, où les régimes les plus extrêmes - sans parler évidemment des organisations fondamentalistes, qu'elles soient ou non proches du terrorisme - sont heureux de trouver ce prétexte pour rejeter l'occident des croisés (Salibyin) comme ils appellent notamment les troupes occidentales présentes en Irak. Cela n'est pas nouveau, mais reste toujours consternant.
Autrement nouvelle et préoccupante est la montée de l'intolérance sélective dans l'opinion occidentale, ou en tous cas dans les médias. D'abord les commentaires sur l'interdiction de la représentation humaine dans les pays musulmans sont aussi ignorants qu'arrogants, puisqu'ils ignorent la richesse du cinéma arabe, de la photo et de la peinture de ces pays. La presse arabe compte en particulier des caricaturistes aussi féroces que célèbres, qui pratiquent l'autodérision avec un talent qui n'a rien à envier à leurs homologues occidentaux.
Ensuite, les protestations faites ici au nom de la liberté de la presse sont d'une rare mauvaise foi : la presse a ses tabous, ou ses limites selon le point de vue où on se place, et il n'est pas vrai que tout soit légitimement sujet à plaisanterie, sauf dans la presse porno-scato genre Charlie Hebdo, dont le fonds de commerce inépuisable est une forme déviante de marxisme qui consiste à choquer le bourgeois, mais qui n'est en aucun cas un pilier de la démocratie.
Pour la presse normale, il existe des limites unanimenent acceptées notamment sur les religions, en particulier sur la religion juive (toute plaisanterie relevant de l'humour juif peut être considérée comme antisémite si elle émane d'un goy), de même qu'il est communément admis que la presse israélienne peut s'en prendre aux travers du christianisme sans caricaturer Dieu ni Jésus. Pourquoi l'Islam ferait-il exception à cette auto-limitation qui ne fait que respecter les opinions religieuses des "autres" ?
Ce qui est inquiétant, c'est que ce combat décalé pour la liberté d'expression alimente en fait les tenants du "choc des civilisations", qui cherchent à mettre en lumière tout ce qui peut opposer le monde musulman et le monde occidental. Je me refuse à croire que le monde musulman ne soit formé que d'extrémistes, comme je me refuse à considérer que l'occident est rangé en ordre de bataille derrière les "néos-Cons" américains ou européens.
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