C'est une phrase anodine, et pourtant terrifiante : "notre génération n'échappera pas à la guerre ; elle le pressent confusément. Elle n'est préparée ni moralement ni politiquement et s'y préparer lui répugne". Pourtant, "l'histoire vient d'enfanter un XXIe siècle qui n'est pas mieux formé que les précédents : chaque jour nous enseigne que la guerre en ce monde n'est pas mise hors jeu ni même hors la loi".
Spécaliste des questions stratégiques, Louis Gautier est un quadra mûr qui étudie depuis vingt ans les problématiques militaires, et vient de consacrer un nouveau livre, ardu et difficile d'accès, à cette analyse d'un conflit qu'il pressent confusément. Mais "Face à la guerre" (publié à La Table Ronde, 440 pages) n'a rien d'un ouvrage journalistique ou d'une prophétie catastrophiste.
Il est simplement le cheminement rigoureux d'une analyse qui constate que, siècle après siècle, l'humanité n'apprend rien de ses erreurs et se complaît à les répéter. Après l'échec de la SDN à empêcher la deuxième guerre mondiale, la crise de l'ONU aujourd'hui est le pire des présages...
Si l'auteur a été acteur au ministère de la Défense (il y a été conseiller de Pierre Joxe) avant de développer sa compétence auprès du premier ministre (alors Lionel Jospin), ceux qui chercheraient ici des solutions toutes faites ou un programme pour un candidat aux élections présidentielles seront déçus: on n'y trouve pas de recettes miracle sur comment à la fois faire régner la paix dans le monde, renvoyer les soldats dans leurs foyers et réduire les budgets de la défense.
En revanche, des points de vue critiques sur le rôle ou l'absence de rôle de l'Europe face à l'incertitude mondiale, un plaidoyer sur les coopérations et pour une Europe de la défense intégrée. Mais répétons-le, ce livre est ardu et je dissuade quiconque voudrait faire une lecture rapide.
Celui qui est pressé se contentera alors de la conclusion : "Toute la question est aujourd'hui de concilier un dégoût légitime de la guerre et les combats à mener au nom de la démocratie, du droit et de l'humanité. Or les Européens ne peuvent assurer leur sécurité et défendre leurs valeurs sans assumer pleinement , grâce à des moyens cohérents, l'autonomie de leur décision (...) A l'heure où la globalisation produit pus d'histoire que le monde ne peut en consommer, la guerre, elle, est loin de s'oublier. Il nous appartient de faire face".
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