Etrange impression que de revivre, à travers la fiction de France 2, le combat du général De Gaulle contre les partis politiques, opposant à la mesquinerie des politiciens professionnels la grandeur désintéressée de l'homme providentiel, deux fois sauveur du pays malgré lui.
Bien entendu, il ne s'agit pas de s'arrêter à l'apparence un peu caricaturale, même si son jeu est magistral, de celui en qui on reconnaît d'abord le commissaire divisionnaire de "Taxi"... avant de l'identifier comme un De Gaulle un peu gouailleur mais certainement pas traître au modèle, entouré de sa cour et de ses thuriféraires, avec un Malraux jeune plus vrai que nature.
Le malaise est dans le discours, pas inventé, et dans la vision subliminale et très caricaturale, elle, qu'on a de la IVe République avec un défilé de présidents du Conseil sur le perron de l'Elysée sur fond de chanson légère : comme si, par un amalgame très gaullien, on avait fait endosser à la IVe toutes les faiblesses et les lâchetés de la IIIe, morte dans l'armistice et la reddition. Comme si, hors l'homme providentiel, point de salut pour la République ! C'était vrai en 1940 comme en 1958, face à des crises majeures. Ce ne l'était pas en 1946 ni en 1968, et si j'ai rêvé adolescent de m'évader par l'Espagne pour rejoindre la France Libre, le mythe fondateur de la France indépendante, je suis entré dans l'âge adulte en votant contre De Gaulle après mai 1968.
Le débat n'est pas nouveau, et le gaullisme n'est pas vierge dans la crise et l'effondrement de la IVe République, pas plus que le parti communiste, du reste. Et les images d'archive qui rythment la fiction nous montrent d'étonnantes scènes de manifestations de masse où le Rassemblement du Peuple Français, le RPF du général, se révèle comme un étrange parti anti-partis, une structure populiste et non dénuée d'inspiration maurrassienne, entièrement vouée au culte de l'homme providentiel.
Au fond, c'est cela le défaut de la Ve République : une mécanique qui s'essouffle à trouver l'homme providentiel, et qui grippe quand le dirigeant n'est pas ce héros supérieur. Un régime trop tourné vers les élections présidentielles, et qui dévoie les partis politiques en les limitant au rôle d'écurie et de machine électorale au profit d'un seul, reléguant les élections législatives au rang de "troisième tour" des présidentielles.
Honteux les partis ? Pourquoi la France serait-elle le seul pays à ignorer la fonction centrale de ces organisations pour le fonctionnement de la démocratie, pour dégager des majorités d'idées, pour éduquer des citoyens aux responsabilités mais à tous les niveaux ? Il est urgent de réhabiliter le rôle formateur des partis, la fonction parlementaire, le jeu démocratique des institutions. Et si j'ai des sympathies pour une candidate, Ségolène, c'est parce qu'elle n'est ni homme, ni providentiel, mais une femme proche de la démocratie, ne prétendant pas s'imposer et cherchant à concilier le fonctionnement du parti et l'aspiration des citoyens à participer au niveau le plus modeste et le plus quotidien aux affaires de la cité.
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