Difficile parfois de distinguer l'anecdotique du politiquement significatif dans les circonvolutions de la politique italienne, mais force est de constater que l'héritage de Mussolini survit dans l'Italie d'aujourd'hui, même à la marge, et que les thèmes de la xénophobie ne sont pas moins préoccupants que dans d'autres pays européens.
La presse internationale, et française en particulier, a tendance à généraliser, faute de comprendre les infinies nuances de l'échiquier politique italien toujours riche en rebondissements, et où l'essentiel des spotlights est braqué sur le personnage incoutournable de Silvio Berlusconi et de son parti "Forza Italia". Nombreux sont ceux, spécialistes ou non, qui expliquent du reste que, par comparaison avec le parti du Cavaliere et même avec les excès de la Ligue Lombarde, mouvement en déliquescence totale, Gianfranco Fini est à la fois crédible et respectable. Même si le symbole d'A.N. est encore, même en tout petit, la flamme tricolore au-dessus du catafalque de Mussolini.
Il est exact que Fini, l'un des ministres les plus responsables du gouvernement actuel dont il est numéro deux, a fait des gestes très importants comme d'aller en Israël et de se désolidariser de tout antisémitisme éventuel de l'ancien mouvement fasciste (car, historiquement, l'Italie fasciste n'a jamais été antisémite). Cet ancien journaliste - comme Massimo d'Alema qui a transformé le PCI en "Gauche démocratique" - a hérité du MSI en 1987 pour le transformer radicalement en 1995 en "Alleanza nazionale", mouvement conservateur modéré, réformiste et européen, à l'opposé de l'extrême-droite française. Il a même, comme ministre, été l'un des artisans du projet de Constitution européenne rejetée ensuite par la France. Atlantiste modéré et respecté par ses pairs dans les pays où il se rend comme ministre des affaires étrangères, Fini fait actuellement campagne sur les thèmes de "l'Italie honnête, sûre et solidaire", bien loin des thèmes corporatistes de l'ancien MSI (comme illustré dans cette photo d'une manifestation du MSI il y a 25 ans à Rome).
Pour autant, le vieux discours ultra-chauvin porté hier par le MSI est sous-jacent chez une partie de l'électorat, y compris parmi les plus jeunes, et apparaît du reste publiquement dans certains matches de football. Les extravagances des supporters de la Lazio ne sont pas forcément des cas isolés, et reflètent le ras-le-bol de couches populaires peu habituées à cotoyer une population immigrée de plus en plus visible, l'Italie ayant plutôt été dans le passé une terre d'émigration que d'immigration, et subissant l'arrivée aujourd'hui massive de réfugiés économiques des Balkans comme de toute l'Afrique.
Comme les communistes italiens ont leurs "refondateurs", les néo-fascistes ont leurs "orthodoxes", nostalgiques du MSI ancienne manière et dispersés entre d'un côté les partisans de "Alernativa sociale" d'Alessandra Mussolini, extravagante petite-fille du Duce plus violente dans le ton que dans le contenu de ses discours, et de l'autre les adhérents du MSI-maintenu, "Destra nazionale - Nuovo MSI", qui présentent tous deux des candidats aux prochaines élections. Par honnêteté, il faut préciser que, comparés à leurs porte-parole et chefs de file, Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret en France font figure d'intellectuels modérés.
Parmi les thèmes proposés au public par DN-Nuovo MSI, le discours le plus extrême sur l'Europe chrétienne présente celle-ci comme subissant les assauts du terrorisme islamique, avec des hordes de barbus patibulaires menaçant "la passion des chrétiens". Une position marginale, qui ne reflète évidemment aucune autorité religieuse ni aucun mouvement catholique en Italie, mais qui est une forme renouvelée, au sens étymologique du terme, de l'antisémitisme. A noter là aussi la position très responsable de Gianfranco Fini : au lendemain du scandale provoqué par son collègue ministre de la Ligue Roberto Calderoli, qui avait ouvert sa veste à la télévision sur un tee-shirt illustré d'une des fameuses caricatures anti-prophète et suscité des émeutes en Libye, il s'est rendu dans une mosquée de Rome pour rappeler que l'Italie respectait toutes les religions. Dont acte.
bonjour,
je tombe par curiosité sur votre blog (lien sur le blog du general des banlieues) et voulais vous dire que je trouve ca vraiment intéressant
et bien écrit continuez monsieur bayle c'est une belle réussite!
Rédigé par : laure | 28 mars 2006 à 12:53
Laure, merci pour ces encouragements. J'écris égoïstement, c'est-à-dire pour mon plaisir. Mais je suis encore plus heureux quand je peux partager ce plaisir et, à l'occasion, des idées. A bientôt !
Rédigé par : Pierre Bayle | 28 mars 2006 à 14:10