Dîner parisien, la conversation roule inévitablement sur la politique, une spécificité française qui étonne toujours les étrangers. Sujet du jour : le CPE, "la crise", le décalage entre la politique et la réalité, quelques clichés inévitables mais toujours ravageurs sur le conflit générationnel, puis les casseurs, puis le péril islamique...
Soudain émerge la figure stable d'un Sarkozy qui, laissant le premier ministre s'enferrer dans sa gestion jusqu'au-boutiste du CPE, négocie habilement avec les organisations étudiantes et syndicales pour "éviter la casse". Miracle : la grande manif de mardi a vu une coopération sans précédent entre service d'ordre des manifestants et forces de police restées à l'arrière-plan, les uns neutralisant les casseurs pour les livrer discrètement mais manu militari aux seconds.
Autre figure stable, Ségolène Royal qui prend position publiquement pour "l'ordre et la justice", à contre-courant d'une gauche gauchisante et jamais loin de la démagogie. "Il faut du courage pour dire cela" reconnaît un électeur de droite. Et l'on fait assaut d'amabilités croisées sur ces deux figures montantes en termes de popularité.
"Il est très fort", dit l'un. "Oui, à droite il les a tous carbonisés", dit une autre. "Pareil, à gauche Ségolène est restée seule", commente un troisième. Et la discussion tourne autour des mérites comparés de ces deux outsiders de la politique, qui visiblement concentrent l'attention générale dans la perspective des présidentielle et, objectivement, séduisent au-delà de leur camp.
En fait, s'il est élu il fera une politique de gauche, concède un électeur de droite. Oui mais Ségolène est réac, elle mal traité ses domestiques, elle est autoritaire avec son entourage, répond une électrice de gauche. On est en plein paradoxe français, les clivages s'inversent, chacun prend une position qui se veut "intelligente", quitte à renier ses opinions de la veille. "Et de toutes façons, si on a second tour Sarko contre Le Pen, c'est clair on vote Sarko", dit quelqu'un qui en meurt d'envie.
Difficile de conserver une position linéaire dans une conversation brillante : on apparaît très vite terne, hors du coup. Quitte à passer pour un ringard, je reste sur mes convictions de gauche, même en votant pour "une réac". A tout prendre, je préfère une prétendue "réac de gauche" - ce dont je ne suis pas vraiment convaincu, mais je suis sans doute réac moi-même en restant farouchement pro-européen à gauche - à un "réformiste de droite" dont je ne suis pas persuadé une seconde qu'il sera progressiste. Du reste, il ne le dit pas lui-même.
Bonjour ! amusant de voir que "Sarkolène et ségozy" est apparu comme un titre évident à bon nombre de personnes ! je viens même de l'entendre à la radio (France Inter). c'est en testant un moteur de stats sur mon blog, que je fus renvoyé vers Google où figure votre blog et le mien quand on recherche le titre sus-nommé...
à part ça, motard aussi, amateur de motos anciennes (Kawa 900 Z1 pendant quelque temps...), ex impliqué dans la sécurité routière moto (ex IDSR et co-fondateur de l'association Moto Zen). Amicalement.
Christian
Rédigé par : Christian | 04 juin 2006 à 13:58
Merci Christian, de ce commentaire. Très sympa votre site !
Pour moi la confusion entre Sarkolène et Ségozy n'existe que dans la tête d'un électorat de droite qui, de toutes façons, ne votera pas à gauche. Ceux qui parlent encore de Mit'rand (prononcer Mitterrand leur écorche la bouche) avec effroi et qui présentent Sarkozy comme un moindre mal. Le problème n'est pas de savoir si Ségolène a dérapé (l'encadrement militare appliqué à des formules de volontariat, style "105 permis pour les banlieues", a réussi au-delà des espérances), mais si la gauche a la moindre chance de passer avec un discours "à gauche toute" comme le tiennent les autres candidats du PS.
Selon un sondage récent, le clivage droite/gauche est aujourd'hui de 55/45 si l'on, additionne les voix de la droite et de l'extrême-droite. Conséquence : Ségolène ne peut réussir qu'en comptant aussi sur des voix du centre. Pas facile !
Rédigé par : Pierre Bayle | 05 juin 2006 à 08:05