Symbole fort du printemps, le magnolia qui fleurit partout dure quelques jours à peine, ses fleurs éclatant littéralement pour retomber au sol, pétales disloquées, fulgurante apparence de beauté sans lendemain, même si subsiste la promesse d'un retour l'année prochaine.
Autant le changement de saison qui fait exploser la nature se manifeste par la fougue des plantes, la montée de la sève transformant littéralement le paysage même urbain, autant certaines fleurs qui semblent robustes sont en réalité d'une incroyable fragilité, illustrant bien ce mot de précarité aujourd'hui utilisé partout.
Chaque année c'est le même spectacle, et chaque fois la même angoisse. De gros boutons qui deviennent bulbeux, puis s'ouvrent en larges corolles au soleil, deux, trois jours, guère plus, sensibles au vent et aux averses. La pluie orageuse qui s'est abattue en fin d'après-midi à Paris a fait une hécatombe de ces fleurs à la vie si brève, réduites ce soir à l'état d'un tapis rose et blanc au pied de leurs arbustes dénudés.
Bien sûr, la jeunesse qui souffre de la précarité ne fâne pas aussi vite, et ne tombe pas foudroyée de trop de beauté. Mais le temps qui passe trop vite ne repasse pas, et les plus anciens, d'abord les politiques, devraient comprendre la sourde inquiétude d'une génération qui voit sa jeunesse se consumer sans espoir concret de réaliser leurs espoirs et leurs ambitions. L'insouciance, privilège de la belle jeunesse, disait-on autrefois. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Une conscience aiguë des incertitudes du présent, de l'inaccessibilité d'un avenir à soi. Un vertige qui peut faire tomber bien des pétales...
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