La ville natale de Confucius, Qufu dans la province du Shandong, est redevenue la capitale d'un rayonnement important, après avoir été ignorée par l'idéologie dominante et avoir même passé un moment difficile sous la révolution culturelle :
près de 2.500 ans après sa naissance, ce lieu parfaitement réhabilité et restauré est aujourd'hui visité par des millions de Chinois.
Une partie des remparts s'élevant au sud du quartier de Qeli, où se dressent les temples et demeures du philosophe et de sa famille, avait été démolie par les gardes rouges, et la grande statue du Maître détruite. C'était la seule statue de Maître Kong (Kongfuzi) autorisée autrefois par les Empereurs, qui voulaient qu'il soit vénéré comme un sage et un pédagogue mais non adoré comme un dieu. La statue a été refaite en 1984 et s'élève dans la pénombre d'un grand temple où se pressent des milliers de pélerins chinois respectueux.
Ce ne sont pas des gestes d'adoration comme on peut en voir dans des temples consacrés à de vrais dieux, mais une attitude de déférence et de curiosité intellectuelle devant la sagesse de celui qui a posé comme principes de vie l'étude et l'apprentissage, la connaissance et le respect des rites, la compréhension entre les hommes.
Comme si Confucius était redevenu à la mode, ses ouvrages (en fait les écrits de ses disciples) se trouvent dans tous les magasins à Qufu, une ville au tracé rectiligne qui respire l'harmonie et la sérénite. Et les visiteurs qui lisent les stèles portant les enseignements du Maître s'arrêtent aussi devant le mur de Lu dans lequel avaient été cachés ses écrits, lorsque ceux-ci avaient été condamnés à la destruction au 3e siècle, la pensée de Confucius étant jugée subversive par l'Empereur.
Une remarquable exposition préparée pour l'année de la Chine en France (2003-2004), "Confucius, à l'aube de l'humanisme chinois" avait permis aux Français de découvrir des objets provenant des musées français (Guimet, B.N.) et de la province du Shandung (Jinan), ainsi que des photos de l'expédition Chavannes à Qufu en 1905. Il est émouvant de découvrir aujourd'hui, dans ce site restauré, que les arbres millénaires qui se détachaient sur ces photos y sont aujourd'hui intacts et pleinement valorisés. Comme tous les temples chinois, celui-ci est un parc où les plantes font partie de l'architecture.
Un spectacle populaire, à mi-chemin entre le music-hall et un son et lumière, célèbre l'actualité de Confucius dans le grand théâtre moderne en plein air de la ville. Spectacle en tableaux successifs avec danseurs en costume. Des tableaux antiques d'abord, la lumière de la pensée dans l'obscurantisme avec des personnages sombres portant des torches et précédant le Maître, qui arrive debout dans son char à cheval, vêtu de blanc, tache de lumière et point de repère.
Suivent une série de scènes alternant la richesse de l'Empire lorsque règnent l'étude et les rites, puis son affaiblissement avec la violence, les rivalités et les conflits. Les tableaux finaux rappellent un peu l'idéologie pacifiste des années 1950, tendance Mouvement pour la paix, et se terminent par une citation de Confucius un peu enrichie : "recevoir un ami qui vient de loin n'est-ce pas la plus grande joie - la Chine est l'amie de tous les peuples". Le philosophe n'est plus réhabilité, il est réintégré...
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