Cette fois ça y est, les Britanniques ont sauvé le Joint Strike Fighter F-35, avion de combat et d'attaque au sol des trois armées américaines très critiqué aux Etats-Unis, et par la même occasion ont obtenu des Américains qu'il devienne aussi un avion européen, par le plein accès aux technologies de cet appareil polyvalent, furtif et de cinquième génération.
Par un de ces coups de poker dont ils ont le génie, les Britanniques ont gagné en menaçant à la fois Lockheed et le Pentagone de se retirer de ce programme s'ils n'avaient pas accès à tous les codes sources leur permettant d'assurer la production, le contrôle et la maintenance autonome de l'appareil, sans devoir retourner chaque fois sur la côte Est américaine et sans avoir d'interférence de personnel américain avec leur propre chaîne de commandement.
Un coup de poker joué avec le bluff voulu, en faisant croire par la presse et par les commissions parlementaires qu'ils envisageaient d'autres solutions, notamment un "plan B" avec l'acquisition de la version navalisée du Rafale français. Difficile de croire qu'ils étaient sincères, pourtant, quand on sait que leurs porte-avions n'ont pas de catapulte et ne sont équipés que pour accueillir des avions à décollage vertical/court comme le Harrier et son successeur américain le Sea Harrier B.
L'exigence britannique était le reflet de la nouvelle volonté d'autonomie de la Grande Bretagne, récemment exprimée par Tony Blair et par son Livre blanc sur la Défense (voir ma note du 6 décembre). Et l'enjeu, l'accès aux technologies de furtivité du F-35, or le Pentagone est très jaloux de ce facteur de la supériorité américaine, ainsi qu'aux logiciels très sophistiqués de l'avion et de son système de combat.
Londres a donc signé mardi 12 décembre un accord portant sur le développement et la production de cet avion très controversé aux Etats-Unis (difficile de satisfaire à la fois l'US Air Force, l'US Navy et le Marine Corps avec un même appareil), sans prendre d'engagement ferme sur une commande attendue de 150 appareils (la Turquie en prendrait pour sa part une centaine).
Mais en obtenant cet accord et en mettant une participation supplémentaire de 66,5 millions de dollars sur le programme, la Grande-Bretagne devient le leader des participants non-américains : Australie, Canada, mais plus encore Danemark, Italie, Pays-Bas, Norvège et Turquie. Car l'industrie britannique sera ainsi à même de lancer un véritable "standard européen" du JSF, avec intégration, facilitée par l'accès aux codes-sources, de systèmes d'armes et de missiles européens déjà acquis par la RAF, ce qui renforcera d'autant ses chances à l'export.
Un avantage qui n'aura pas échappé à Lockheed, qui renforce ainsi un partenariat de longue date avec BAE Systems et consolide son rôle en Europe : alors qu'on attendait un recentrage de BAE Systems sur le marché américain, c'est Lockheed, grâce à BAE Systems, qui devient un acteur central de l'aéronautique transatlantique avec comme plate-forme principale son JSF, alors que l'industrie européenne reste divisée entre l'Eurofighter, le Rafale et le Gripen suédois. Et BAE Systems, présent à la fois sur l'Eurofighter et le JSF, devient pour sa part l'arbitre de la situation.
(Photos JSF)
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