Interloqué par un courrier de lecteur publié dans Libé, signé Laure Olive-Humbel, qui revient sur la polémique née de l'utilisation par Ségolène Royal de l'expression "droits humains" au lieu de "droits de l'homme" lors de son voyage en Chine. Et comme je ne suis pas certain que ce texte reste en ligne sur le site de Libé, je le copie ci-dessous :
Interloqué suis-je, car j'en étais resté aux critiques, de droite et de gauche, qui accusaient la candidate aux présidentielles d'avoir dilué la notion explicite des droits de l'homme, touchant aux libertés individuelles fondamentales dont le droit d'expression politique et le droit de circulation, dans un tout plus vague englobant les droits à l'environnement, histoire de ne pas trop heurter de front ses hôtes chinois. Ce que je ne pensais pas, puisque ce n'est pas avec les mêmes interlocuteurs que Ségolène Royal a parlé successivement et très franchement des problèmes de l'environnement, puis de ceux des intellectuels chinois et de la situation au Tibet.
Mais je découvre donc qu'Amnesty International, section française, utilise couramment l'expression "droits humains" pour parler de la même chose, par dérive linguistique pour coller aux "Human rights" et par une étrange conception féministe qui lirait dans "droits de l'homme" quelque chose comme "droits du mec", laissant de côté les droits de la femme tout aussi légitimes. Une dérive que ne partage pas, du reste, l'auteur de cette lettre, militante d'Amnesty.
Féministe moi-même depuis toujours, je trouve quand même que la gauche fait un mauvais procès à "l'homme", ce qui nous a valu cette déferlante de féminisations intempestives comme l'auteure, la préfète, "la" ministre... Mais gare à traiter une femme ambassadeur d'ambassadrice, au risque de la reléguer au rang d'épouse d'ambassadeur ! Cette mode qui a saisi l'administration sous les précédents gouvernements socialistes est, comme l'enfer, pavée de bonnes intentions, mais relève peut-être d'une méconnaissance des racines de notre belle langue, et je ne parle pas spécifiquement du Français mais de ses racines grecques et latines.
Au risque de paraître pédant, mais ça m'est bien égal pour un combat de "sens" et de valeurs, je rappelerai que l'homme est le latin "homo, hominis", correspondant au grec "anthropos, anthropou". Il s'agit de l'être humain générique, et asexué. Quant on parle d'anthropologie ou d'hominidés, on parle bien de l'être, pas du genre, quelles que soient les plaisanteries éternelles sur l'homo erectus. Pour chercher le sexe, on utilise en latin le mâle "vir, viris", correspondant au grec "aner, andros", par opposition à la "femina" latine ou la "guné" grecque. Notre vocabulaire scientifique ne s'y trompe pas, qui sait distinguer l'utilisation d'anthropo-quelque chose et d'andro-quelque chose (andrologie, andropause). Donc l'homme n'est devenu un "mec" que par dérive du langage populaire : ça c'est un homme, un vrai !
Je crains que rajouter systématiquement "des femmes" partout n'aboutisse au résultat inverse, nier la parité et l'égalité hommes-femmes. Il faudrait aussi réécrire des textes fondamentaux comme "prolétaires et proléteuses du monde entier unissez-vous", ou "il faut combattre l'exploitation de l'homme et de la femme par l'homme et/ou la femme"...
Au fait, j'ai découvert qu'à l'inverse, non seulement le pluriel générique en grec devient un féminin singulier (ta zoa trekei - les animaux, elle court - vous vous souvenez ?), mais l'arabe aussi utilise le féminin pour passer du générique au singulier : tufah, (un) pomme, tufaha, une pomme... De là à conclure que la singularité est féminine et la généralité masculine, je risque de déclencher des vociférations. Mais j'en prends la liberté, au nom de mes droits de l'homme de dire ce que je pense, sur un blog libre et indépendant.
Bravo, Pierre! Continue. Je suis devenu un peu plus cultivé et même un peu plus ouvert aux réalités historiques.
En effet, je ne me "souviens pas" ... car je n'ai jamais étudié le grec ancien ( ni le moderne d'ailleurs!). Tout au plus un peu de latin (j'étais d'une nullité effarante, honteuse même!).
Rédigé par : Jacques Heurtault | 19 janvier 2007 à 09:15
Pas de complexes in pectore, Jacques : sans faire de plaidoyer pro domo ni de quiproquo, je suis persuadé que tu utilises beaucoup plus de latin courant que tu ne le supposes a minima, car le Français en est truffé ! Et ex-aequo avec les anglicismes...
Rédigé par : Pierre Bayle | 19 janvier 2007 à 18:34