La Cité artisanale des Bruyères, en haut de la colline de Meudon, n'aura pas survécu aux promoteurs immobiliers malgré la mobilisation d'un grand nombre d'architectes, de défenseurs du patrimoine et de l'environnement, d'intellectuels de partout et d'habitants de Sèvres : les travaux de démolition ont commencé, préalable à l'édification d'un superbe ensemble résidentiel en lisière de bois. J'avais raconté, dans une note du 2 novembre 2006 sur "un massacre évité ?", la mobilisation suscitée par l'architecte de Sèvres Pierre Lagard avec un groupe de spécialistes et d'architectes internationaux.
Alerté par les sites sévrien de Désirs d'avenir, j'ai été constater le redémarrage de ce chantier un moment interrompu par la vague d'indignation populaire. Malgré tout, pétitions, manifestations, expertises et contre-expertises n'y auront rien fait. Même l'engagement du ministère de la Culture, sollicité au plus haut niveau par les plus grands spécialistes de l'architecture contemporarine, n'aura pas empêché que dans les Hauts de Seine ce soit toujours la même ritournelle :"dans l'92, on bétonne, on bétonne, dans l'92, on bétonne encore plus fort !".
Il est vrai que le ministre a refusé de classer le site, décidant dans sa grande clairvoyance de demander aux promoteurs immobiliers de "revoir la qualité de l'architecture" du projet. Personnellement, je n'ai rien contre le projet immobilier, chic et de bonne allure dans cet environnement privilégié. Et je dis peut-être abusivement qu'on va "bétonner" car d'après les plans et vues d'artiste, grandeur nature sur des panneaux qui tentent de dissimuler le chantier, ce sera de la belle construction de luxe en pierre de taille, on ne va quand même pas faire du logement social dans un aussi beau site, au risque de le défigurer !
Si j'étais maire à la place du maire de Sèvres, que ferais-je sur ce dossier ? J'ai déjà écrit ici que le maire de Meudon a, pour sa part, fait un choix diamétralement opposé en préservant les bâtiments d'architecture contemporaine symétriques de la cité artisanale, de l'autre côté de la montée des Gardes. A Sèvres on est moins regardant et, il faut bien le reconnaître, cette cité abandonnée depuis plusieurs années était insalubre. Oubliée, la création en 1964-65 de cette structure futuriste par trois élèves de Le Corbusier, Georges Candilis, Shadrah Woods et Alexis Josic.
Alors, rêvons un instant : les travaux en cours, c'est simplement le nettoyage et la dépollution du site, et la destruction de la surélévation en structures de métal et de verre postérieure à la construction originale (comme décrit dans ma note du 22 octobre "architectes en colère"). En fait, on va réhabiliter la cité artisanale dans son état initial, pour en faire une cité des artistes, avec en bordure une maison de retraite ou un service social...
C'est le cadeau de la municipalité, et les panneaux du promoteur immobilier ne sont là que pour faire diversion. La surprise n'en sera que plus belle ! Sèvres pourra s'ennorgueillir à nouveau d'un patrimoine exceptionnel. Malheureusement, même en rêvant éveillés, en imaginant une nouvelle présidente, un nouveau gouvernement, un nouveau ministre de la culture, tous plus compétents et plus généreux, il sera évidemment trop tard pour sauver la Cité artisanale. Les bulldozers n'auront pas besoin des deux mois qui restent avant les élections pour achever leur besogne : ici, à défaut de raser gratis, on rase tout court !
Je suis étudiante en architecture et je découvre le travail du Team 10, les bâtiments de Candilis et de ses confrères et je suis tout à fait surprise d'apprendre leur destruction. A vrai dire, cela ne me surprend pas, je suis plutôt choquée. Mais dans notre société où l'argent prime sur tout, il n'y a pas de place pour des architectes s'ils ne s'appellent pas Le Corbusier ou Mies Van der Rohe... Incompréhensible et ridicule...... Il faut être imbécile et/ou assoiffé d'argent... Qu'importe, mon indignation ne fera pas renaître ces bâtiments...
Rédigé par : Elodie | 19 mars 2009 à 22:27