On connaissait Dany le rouge, au moins chez les soixante-huitards. Puis il y a eu Dany le vert, le militant écologiste allemand, Dany le bleu, le trublion du Parlement européen, et voici qu'on découvre Dany le rose, conseiller nouvellement auto-invité de Ségolène et peut-être même Dany-orange, comme le Pschitt orange, ami de Bayrou sans être de son camp... Un véritable arc-en-ciel dans notre ciel politique grisaillant !
C'est un remarquable papier du Monde de ce soir, "Daniel Cohn-Bendit, Monsieur bons offices de Ségolène Royal" qui m'a donné à la fois un coup de nostalgie, et cette impression onirique des contraires qui se rejoignent, des impossibles qui se réalisent. Le pavé de mai 1968 qui, à force de rebondir, pousse une femme à la présidence, sous le sourire amical sans être complice de la toujours jeune Arlette Laguiller. Du Fellini, presque !
Cohn-Bendit, étudiant allemand et libertaire de l'Université de Nanterre, n'était pas un agité : tout juste un défenseur de la révolution sexuelle qui le faisait militer, comme beaucoup d'étudiants de sociologie de cette (alors) jeune université, pour le libre accès des garçons aux dortoirs des filles sous prétexte de l'émancipation de celles-ci. Un féminisme jamais démenti depuis. Et c'est pour défendre sa cause qu'il avait été gifler un ministre venu inaugurer la piscine du complexe universitaire, dont la fille, future femme politique française, fréquentait la même fac et les mêmes dortoirs...
L'histoire aurait pu s'arrêter là si la société hyper-paternaliste qui régnait alors en France - on n'imagine plus ce que c'était, la France d'AVANT mai 1968 - n'avait pas réagi violemment, avec irruption de CRS sur le campus et fermeture de la Fac : le fameux cycle provocation-répression-contestation était diaboliquement enclenché et Cohn-Bendit lançait ce qui n'aurait été qu'une galéjade, le Mouvement du 22 mars, si la fermeture de la Fac ne l'avait obligé à émigrer avec ses turbulents camarades jusqu'à la docte Sorbonne qu'il mit aussitôt sens dessus-dessous. La télévision étant alors en noir et blanc, comme toute la société, il nous a fallu quand même un moment pour découvrir que Dany le rouge était un rouquin !
La menace d'expulsion qui le frappa alors, en tant qu'étudiant étranger, en fit une icône révolutionnaire, un Che Guevara du Boul'mich, et je me souviens de ce défilé de solidarité où l'on criait "nous sommes tous des juifs allemands"... Dany a sans doute contracté alors une dette envers la France, qu'il avait puissamment désorganisée par ses plaisanteries de potache, tout en nous offrant Mai 68. Parti faire une carrière d'homme politique allemand, il n'a jamais oublié ses premières amours, pas celles du campus de Nanterre mais ses émois romantiques du Quartier latin en folie. Député européen,il n'est pas arrivé à s'embourgeoiser, continuant à plaisanter au-dessus de toutes les barrières politiques.
Son dernier gag, vouloir jeter un pont entre la gauche française post-marxiste (avec quelques éléments paléo-marxistes, quand même) mais pas encore tout-à-fait social-démocrate, et la vieille famille démocrate-chrétienne, celle qui a fondé l'Europe, transmutée en jeune Parti démocrate à l'américaine sous l'impulsion d'un bretteur béarnais, un mousquetaire rebelle à l'ordre établi et aux règles passéistes d'une UDF endormie. Bien sûr, il faut sortir des calculs mathématiques froids, des sondages bruts et austères, de la mécanique politicienne pour y croire, pour penser que c'est possible. Dany le rouge est revenu payer sa dette, et la mécanique du rêve fonctionne à nouveau. Foin de tous les cartésianismes, la femme est l'avenir de l'homme et la France se rêve présidente. Merci, Dany !
Photo Jean-Paul Pélissier, Reuters
Bravo pour votre blog.
Je ne suis pas véritablement étonné que Ségolène ROYALE s’affiche avec Daniel Cohn-Bendit alias Dany le rouge, petit bourgeois arrivé en mal de sensations, à l’origine des troubles en mai 68 auxquels a mis fin la classe ouvrière il faut tout de même le rappeler... Il est parti s’exiler pour se faire oublier en 1968. Dirigeant Anarchiste d’un groupuscule étudiant en 1968, il revient sous la couleur écolo de salon en 2007…. Sincèrement je me demande comment ce tocard peut manipuler aussi facilement de nombreuses personnes. Il est vrai que la mémoire collective est très courte.
Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirais qui tu es…
Rédigé par : Michel | 26 avril 2007 à 08:31
Cher Michel D.
Merci pour votre appréciation. En ce qui me concerne, je préfère suivre un Dany multicolore aux antipodes de toute pensée psycho-rigide, surtout s'il soutient la candidate de gauche. Et en fait de mémoire collective, la mienne résiste à Alzheimer (encore un post-marxiste !) et j'aurai un immense plaisir à retrouver Cohn-Bendit à Charléty... presque quarante ans après !!!
Cordialement, Pierre.
Rédigé par : Pierre Bayle | 27 avril 2007 à 13:54
Alors, Pierre? Ton pronostic? C'est la question que je te pose car ton vote est évidemment acquis à Ségo ...
Moi, j'en suis à pencher pour elle aussi car Sarko m'inquiète. Vouloir trouver anormal que deux personnes ayant désormais un poids politique indéniable veuillent débattre entre elles pour pouvoir éclairer les électeurs de l'un (Bayrou) a quelque chose de très troublant ...
Cependant, le pacte présidentiel de Ségo pêcvhe un peu d'irréalisme. Le Smic à 1.500 euros, par exemple! Il ya un moyen de lever la difficulté : la TVA sociale! La hausse du Smic apparait alors comme une légitime compensation de l'érosion de pouvoir d'achat provoqué par cette inévitable mise en place de la TVA sociale.
Tu pourrais en toucher un mot à Ségo?
Rédigé par : Jacques Heurtault | 27 avril 2007 à 14:11
Jacques, content de te lire. Pas de pronostic chez moi, mais une bouffée d'optimisme. Le mouvement et de notre côté, l'immobilisme en face. Et puis ce sentiment curieux qu'on est en train de sortir d'un système à majorités verrouillées, avec soit cumul des majorités, soit affrontement et cohabitation : on risque au contraire d'avoir un 3e et un 4e tour (les législatives) avec reconstitution du paysage et toute sa place pour le Parti Démocrate. Chiche ?
Pour la TVA sociale, tu es plus compétent que moi, on ira la voir ensemble pour lui expliquer, au Palais Royale, après le 6...
Rédigé par : Pierre Bayle | 27 avril 2007 à 17:24