On m'avait dit que le métro de Moscou était un monument d'architecture. Il est en réalité beaucoup plus que cela : une gigantesque machine à déplacer les gens par centaines de milliers, en un ballet vertigineux qui implique jusqu'à neuf millions de figurants par jour.
Les rames, bruyantes mais fonctionnelles, se suivent à une cadence stupéfiante, parfois moins d'une minute entre le départ d'une rame et l'arrivée de la suivante, et roulent à une vitesse de 70 à 80 kmh entre deux stations, du simple fait de la distance relativement importante entre deux stations.
D'immenses escalators, par rangées de trois ou de quatre, vomissent le flot de pasagers avec des aiguilleurs postés en bas, dans de petites cabines en verre, et dont la fonction est de répartir le nombre d'escalators dans chaque sens en fonction du flux. La foule s'agglutine au pied de chaque escalier mécanique en bon ordre, dans une chaleur souvent accablante mais sans bousculade ni grognement. Car les gens sont comme partout ailleurs dans le métro : ni heureux ni malheureux, plutôt abrutis ou endormis, pressés de rentrer sans histoire. Même si, selon le "Moscow News", un nombre élevé de suicides est constaté chaque année dans ce métro - encore faut-il rapporter ce nombre aux millions de personnes transportées quotidiennement.
Cette autodiscipline de l'usager n'est sans doute pas seulement l'héritage de passivité et de résignation des longues années de régime soviétique, exalté dans les moindres médaillons. C'est aussi parce que le décor valorise le passager, et que l'éclairage est toujours suffisamment fort pour que l'on n'ait jamais l'impression d'être enfermé dans un tunnel, important pour tous les claustrophobes. Du reste, la seule référence actuelle à la "Révolution" est une publicité agressive pour un filtre "révolutionnaire", vanté par une marque de cigarettes américaines.
Autrefois, les Moscovites étaient obligés de prendre le métro parce qu'ils n'avaient pas de voiture. C'était un privilège réservé à l'intelligentsia. Aujourd'hui, les Moscovites sont obligés de prendre le métro parce qu'il y a trop de voitures. Comme beaucoup de grandes villes, la capitale russe est congestionnée en permanence et le stationnement toujours problématique.
Mais compte tenu de son efficacité et de sa rapidité, le métro reste une excellente solution, même pour le touriste. Et l'architecture, il faut bien en parler, est presque partout frappante : entrées monumentales, salles de transit immenses décorées de motifs en mosaïque, de sculptures en bronze ou de peintures, couloirs et escalators décorés de luminaires en abondance, profusion de frise en stuc jusque sur les quais, la visite est inépuisable.
Heureusement, ce sont les stations nodales (Arbatskaïa, Tverskaïa, Kievskaïa) où l'on change de ligne qui sont aussi les plus intéressantes à voir. En particulier, il ne faut pas manquer la "Maïakovskaya" où l'histoire de l'aéronautique est décrite par des médaillons alignés sur le plafond, avec toute l'aventure des aviateurs, des parachutistes et des cosmonautes racontée en couleurs et dans la troisième dimension, très haut sur les plafonds. Etonnant de se trouver si bas sous terre pour contempler ces images du ciel, des étoiles et des plus légers que l'air.
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