Après les chars jouets de la première guerre mondiale, le Kriegspiel allemand puis la revanche du Sherman, ce quatrième billet conclut la série sur les chars-jouets en tôle, qui ont fini par perdre la guerre… contre le jouet en plastique.
Si la mode du jouet guerrier tend à décroître dans les années cinquante, aussi bien dans les pays européens touchés par la guerre mondiale qu’aux Etats-Unis, au profit du jouet « civil » et surtout le train mécanique qui explose en devenant électrique, certains constructeurs vont s’efforcer de maintenir le créneau des chars en tôle.
C’est en particulier le cas de Joustra, les « Jouets de Strasbourg », une entreprise créée en 1934 par les frères Kosman et qui, profitant de la quasi disparition de ses concurrents allemands après 1945, va devenir le premier constructeur européen de jouets mécaniques jusqu’à ce que la concurrence asiatique, dans les années soixante, le force à se reconvertir dans le jouet artistique et technique.
Le modèle le plus connu de
Joustra est le char « Tchad » (au-dessus et ci-contre), décliné en trois couleurs (marron, vert, kaki), d’inspiration technique allemande (caisse de Panzer II, tôle imprimée à rivets apparents, deux mitrailleuses à l’avant comme les jouets allemands) mais d’esthétique très américaine (train de roulement, tourelle et canon).
Même hésitation pour le char géant « Puma » de CHR, à moteur mécanique et direction téléguidée par cable, où l’on distingue mal s’il s’agit d’un char allemand ou d’un char américain dans la forme, volontairement générique, ce qui étonnant pour un jouet de cette qualité, et qui reste un jouet étonnant par sa taille. De son côté, l’italien INGAP (Industria di gioccatoli di Padova) réplique imperturbablement le Panzer III allemand de Gescha repeint sous des couleurs fantaisistes, avec un petit moteur électrique commandé par un boîtier à pile.
C’est l’apparition de l’AMX-13 (et de l’AMX-40 dérivé de l’ARL-44 et resté à l’état de prototype) avec sa révolutionnaire tourelle oscillante, qui va amener de la diversité dans l’inspiration. Joustra produit un superbe « char Lorraine » (normal, pour une fabrique alsacienne) jouet tout en métal à chassis fantaisiste mais tourelle d’AMX 13 (photo 4). C’est aussi le cas pour le « Radarmatic » des Jouet Mont Blanc, en tôle imprimée avec accessoires en plastique, moteur électrique à piles. C’est encore plus flagrant pour une version plus petite du même constructeur, l’AMX-J, en tôle imprimée, moteur à friction et produisant des étincelles.
De plus en plus, à partir de la fin des années cinquante, c’est le plastique qui arrive dans la composition des jouets métalliques, et les moteurs électriques qui remplacent les moteurs mécaniques à ressort. On voit ainsi un TF-56 de Joustra où la tourelle et la partie inférieure sont en plastique, seul le dessus de la caisse en tôle imprimée offrant encore quelques détails : on dérive de plus en plus du modèle réaliste au jouet fantaisie et à la production privilégiant la quantité sur la qualité. Il s’agit d’une adaptation rapide, rendue nécessaire par l’arrivée d’une production concurrentielle, de masse et à bas prix, venant des pays d’Asie.
Le production asiatique est trop vaste pour être étudiée dans le détail. Encore aujourd’hui, les petits oiseaux mécaniques vendus dans le métro viennent le plus souvent de Chine, dernier pays à avoir maintenu le savoir-faire du jouet métal, moteur à ressort, grâce à une main d’œuvre à très bas prix – et il faut savoir les acheter à l’occasion, comme véritables objets de collection…
En Chine, la faiblesse en produits pétroliers – donc en matières synthétiques – va donc prolonger la production de jouets en métal. Le char chinois, à moteur à friction, robuste et peu cher, est le type même du jouet fantaisie à grande diffusion rappelant très exceptionnellement, avec un effort d’imagination, des modèles réels. C’est le cas du petit « MF-74 », dont la silhouette rappelle celle du JS-III russe. Pour le reste, la plupart de ces chars (MS-701, MF-179, MF-779, MF-062, etc), fabriqués à Shangaï, sont des jouets d’inspiration fantaisiste, peints de couleurs vives et très peu militaires.
Au Japon, l’inspiration est américaine, même quand les modèles ne correspondent à rien. On trouve des Sherman comme le « M-4 » de Taiyo, mais les sigles M-40 de Modern Toys ou M-45 de Eyco ne correspondent que de très loin à des chars réels ; la production japonaise tend aussi à incorporer des accessoires et des personnages en plastique et à évoluer vers les engins spatiaux et de science-fiction.
Les années soixante-dix verront ainsi la disparition quasi complète des chars en tôle imprimée, avec la séparation de deux marchés bien différents : le jouet pour enfants se détourne de plus en plus du militaria, et c’est aussi bien. Quant au char, il cesse d’être un jouet pour devenir un modèle réduit de plus en plus fidèle à la réalité, et les collectionneurs de Solido ou de Dinky Toys militaires, comme ceux qui construisent des maquettes en plastique, sont des enfants de plus en plus âgés…
Une note conclura la série sur les jouets en tôle, consacrée non plus aux chars mais aux blindés à roues, dont l’histoire mérite un développement particulier.
Voir aussi : http://pierrebayle.typepad.com/tin_tank_toys/
J'ai un char Tchad n°10 Joustra . Il manque les deux pelles .
J'aimerai savoir de quelle année date le char ? Et combien vaut-il ?
Merci
Rédigé par : Mr Jamet | 11 mai 2010 à 19:02
Bonjour, le Tchad doit être des années cinquante car il est tout en métal, ensuite Joustra a ajouté des éléments en plastique. A part les pelles, l'important c'est qu'il ait ses deux mitrailleuses de capot (serties par languettes) et le volet de tourelle (qui s'ouvre quand le tireur sort). Le N°10 a été fait en trois couleurs différentes, beige, marron et vert kaki. La cote est très variable en fonction de l'état (plus proche de 50 que de 100 Euros), il y en a un certain nombre en circulation en France et la demande n'est pas très forte. Cordialement.
Rédigé par : pierre | 17 mai 2010 à 01:25
Ou trouver des chenilles en caoutchoux pour le char joustra tchad ? Merci !
Rédigé par : PIEGST | 26 décembre 2010 à 15:31
Je ne connais pas de magasins avec des pièces détachées, donc la seule solution c'est de chercher aux puces, aux vraies, genre Porte de Vanves à Paris ou Clignancourt côté brocante : il y a parfois des jouets en tôle incomplets pour rien, et Joustra a fait aussi des engins civils, on peut donc trouver des chenilles de récupération. Bonne pêche !
Rédigé par : Pierre | 26 décembre 2010 à 19:59