Le réalisateur Yves Bourgeois, auteur du remarquable reportage long-métrage filmé sur le porte-avions Charles de Gaulle "Confidences d'équipage" (voir ma note du 26 octobre 2006, "les tripes du porte-avions"), risque de ne pas pouvoir mener à bien le projet de suite qu'il avait conçu et déjà démarré, faute de soutiens financiers : manque d'audace des industriels concernés, ou manque d'imagination, toujours est-il que le film sur le "Grand carénage" est menacé aujourd'hui de ne pas voir le jour.
Le projet, c'est donc de filmer le porte-avions pendant sa longue période d'hibernation, si l'on peut dire, cette IPER (Indisponibilité périodique pour entretien et réparation) de dix-huit mois où le navire est démonté jusque dans ses deux chaudières nucléaires, tous ses équipements vérifiés, ses systèmes testés, ses infrastructures visitées et ses superstructes repeintes (selon le vieil adage de la Marine : "saluer tout ce qui bouge, repeindre tout le reste").
La Marine avait déjà donné les autorisations, preuve de sa confiance sur une opération quand même assez confidentielle, le déshabillage d'un porte-avions. Thalassa avait également accordé son soutien, autre preuve de réussite d'une émission sans précédent, le passage d'un film de 120 minutes sans aucune coupure publicitaire, et une audience record. Le constructeur naval DCNS, premier concerné, avait également décidé un financement du projet.
Hélàs ! Il manque quelques sponsors pour compléter le tour de table, parmi les équipementiers, électroniciens de défense, industriels du nucléaire, constructeurs aéronautiques et autres missiliers, et le financement reste donc incomplet. Par force d'inertie peut-être, méconnaissance du dossier certainement, et aussi par sous-estimation de l'impact populaire du premier film sur le porte-avions, "Confidences d'équipage" restera peut-être sans suite, si rien ne se passe dans les trois semaines.
En effet le chantier du porte-avions est largement entamé, il y a des rendez-vous qui ne peuvent être perdus sans dommages pour l'histoire : ainsi le "décapsulage" des chaudières nucléaires, opération unique. Ou bien l'étonnante manoeuvre des avions utilisant la piste de Landivisiau camouflée en pont de porte-avions, avec les diables rouges, les jaunes, les verts, tout le personnel d'appontage déployé "comme pour de vrai", pour maintenir l'entraînement des pilotes de l'aéronavale et de l'équipage et entretenir leur savoir-faire. Les pilotes ont également un entraînement prévu sur un porte-avions américain, autre séquence prometteuse de ce projet de film.
Est-ce la peur de toucher un sujet sensible, au moment où l'on s'interroge sur la volonté du politique de décider ou non du lancement d'un second porte-avions, qui empêche le projet d'aboutir ? Ce serait dommage de considérer le tournage d'une telle oeuvre documentaire comme une simple opération de lobbying. C'est au contraire un morceau d'Histoire, l'histoire d'un patrimoine militaire, industriel et technologique unique en Europe, car la France est le seul pays européen disposant d'un porte-avions "long" à catapulte, et doté d'une propulsion nucléaire.
Photos : PB, meretmarine.com, DCN
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