Déconcertante glissade du spirituel au politico-temporel, l'annonce du baptême d'un musulman par le Pape, la nuit du Samedi saint, est devenue en moins de vingt-quatre heures la conversion militante d'un "repenti de l'Islam", chroniqueur polémiste qui a converti son acte de foi en une proclamation guerrière contre "l'Islam qui coupe les langues après avoir tranché les gorges" dans un éditorial tonitruant sur le Corriere della Sera. «J’ai dû prendre acte que, au delà […] du phénomène des extrémistes et du terrorisme islamique au niveau mondial, la racine du mal est inhérente à l’islam, qui est physiologiquement violent et historiquement conflictuel.»
Dommage. Dommage pour le baptême, dont la symbolique n'a jamais été militante mais purificatrice - Jean le Baptiste ne convertissait pas les Juifs en Chrétiens, il lavait les hommes de leur péché, en toute et immense modestie. Dommage pour le message d'amour qui est la base de l'Evangile et reste le seul élément de supériorité de la religion chrétienne, par opposition à toutes celles qui ne professent pas cet amour généreux.
J'essaie de rester objectif, dans ce que je vois devenir une nouvelle, furieuse et inutile polémique. L'info était heureuse, un baptême est toujours une bonne nouvelle, tant qu'il ne sombre pas dans l'affrontement publicitaire : "ma religion est meilleure que la tienne, mon Dieu est plus grand que le tien". Samedi soir, il ne s'agissait encore que de baptême. Un des six baptisés était un musulman, pourquoi pas, il y a chaque année des milliers de gens qui adoptent une autre religion, par contraste avec les centaines de milliers qui décident de ne plus en suivre aucune.
Dimanche matin, le baptême était devenu conversion. Magdi Allam, le néo-baptisé, n'est pas n'importe qui, c'est le directeur adjoint de la rédaction du grand quotidien milanais Il Corriere della Sera. Et avec le zèle des néo-convertis, il s'est fendu d'un édito plutôt agressif contre l'Islam qui tue et qui censure : "Le Jihad des coupe-langue". Le Vatican avait-il mesuré l'impact de cette publicité pas forcément sollicitée, en valorisant un personnage aussi polémique que Magdi Allam ?
Dans le passé, il n'avait pas caché son militantisme contre l'Islam dans ses formes extrémistes, élargissant du reste sa condamnation à un périmètre de plus en plus large de musulmans, au point que Tarek Ramadan, autre grand polémiste du sujet, l'avait accusé d'être un faux musulman, né copte et dissimulé derrière une fausse identité musulmane.
Pas besoin d'être sorcier pour deviner le retentissement que ces déclarations de Magdi Allam auront dès demain dans l'ensemble du monde musulman. Ceux qui veulent imposer des racines chrétiennes à l'Europe par opposition à toutes les autres religions, les néo-croisés qui s'opposent en parfaire symétrie aux intégristes musulmans, vont y trouver les arguments pour montrer l'obscurantisme de l'Islam.
Etonnante et spirituelle, c'est le cas de le dire, la réaction très modérée du vice-président de la communauté musulmane italienne, qui essaie de relativiser les choses en les ramenant à un problème de commnication. "Ce qui m'étonne, c'est l'importance que le Vatican a donnée à cette conversion", a déclaré Yaha Sergio Yahe Pallavicini, lui-même un converti : fils d'un Italien et d'une Japonaise, Sergio Yahe Pallavicini milite au contraire pour le dialogue inter-religieux et a animé plusieurs séminaires associant musulmans, juifs et chrétiens. Un dialogue interconfessionnel (à ne pas confondre avec l'oecuménisme inter-chrétien) encouragé par le Vatican, il n'y pas si longtemps encore...
Commentaires