Le tout nouveau secrétaire d'Etat à la Défense, Jean-Marie Bockel, est l'un des personnages les plus atypiques de la scène politique française : passé du chevènementisme au blairisme en traversant en diagonale le parti socialiste, ce social-libéral n'a pas freiné à temps et a terminé sa trajectoire dans la nouvelle majorité présidentielle, où il n'a pas de complexe à jouer les gauchistes de service comme il l'a fait comme secrétaire d'Etat à la coopération en dénonçant la "Françafrique".
Je relisais un édito de François Soudan dans Jeune Afrique du 20 janvier, intitulé "France-Afrique : il faut sauver le soldat Bockel !", qui racontait que, lors de ses voeux du nouvel an à la presse, le fougueux secrétaire d'Etat à la Coopération avait en quelque sorte brûlé ses vaisseaux en condamnant les mauvaises pratiques de la France en Afrique et appelant le président à une rupture de ces traditions.
L'article déroulait les désaveux publics infligés par le président et son entourage à ce ministre récalcitrant et peu respectueux des chefs d'Etat africains, une évolution laissant Bockel en marge : "un retour au galop de l'afro-réalisme, donc, auquel le soldat Bockel ne se résigne pas pas, lui qui se refuse à imaginer que le président de l'ouverture soit, en matière africaine, celui d'une certaine continuité". François Soudan concluait pourtant, avec la prudence et le flair politique qui le caractérisent, qu'il fallait quand même surveiller le voyage du président sur le continent africain... Voyage au cours duquel, en Afrique du sud, Nicolas Sarkozy a annoncé la rupture avec le déploiement militaire traditionnel de la France en Afrique !
Et voici donc le "soldat Bockel", colonel de réserve de l'armée de Terre, propulsé dans un autre univers où il va pouvoir révéler ses talents d'agitateur, bretteur et anti-conformiste. Déjà pressé de montrer qu'il n'a pas été "rétrogradé" en changeant d'affectation, il a aussitôt précisé qu'il était certes secrétaire d'Etat à la défense chargé des Anciens combattants, mais qu'il s'occuperait aussi "de défense citoyenne, de réserve, et du lien armée-nation".
Pour Hervé Morin, comme pour tous les ministres de la Défense, la présence d'un secrétaire d'Etat fougueux et dynamique peut être un soutien comme une source d'insomnies. Avec la prochaine sortie du Livre blanc sur la défense et la sécurité, suivie dans quelques mois de la présentation de la prochaine loi de programmation militaire qui liera la défense de la France pour cinq ans, il ne faudra pas compter sur ce nouveau secrétaire d'Etat pour assister passivement aux débats. Tant mieux, il est important que le débat ne soit pas occulté, il n'y manquait qu'un électron libre !
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