La cathédrale de Strasbourg est inséparable du serment de Koufra et symbolise à la fois les valeurs du patriotisme, du dépassement de soi et du renoncement à la raison et au compromis : il fallait être fou pour lancer en plein désert libyen, le 2 mars 1941 alors que la France n'était plus qu'un pauvre pays vaincu et occupé, le serment de Koufra : "Jurez de ne déposer vos armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cahédrale de Strasbourg".
Le fou c'est le colonel Philippe de Hautecloque, rebaptisé Leclerc pour préserver sa famille restée en France. Ses compagnons, des fous aussi qui venaient, après avoir traversé le désert tchadien sur de mauvais camions, de lancer à 400 contre 1.200 un rezzou victorieux contre un fort de l'armée coloniale italienne en Libye, le fort de Koufra au sud du désert libyen. "Nous partîmes 500, mais par un prompt renfort, nous nous vîmes 3.000 en arrivant au port, tant, à nous voir marcher avec un tel visage, les plus
épouvantés reprenaient de courage"... Leclerc c'est bien le Cid de Corneille, intrépide et insensé.
La suite est connue, mais échappait alors à toute vraisemblance : la petite colonne, devenue 2e division blindée, remontant en Tunisie pour faire sa jonction avec les Britanniques venus d'Egypte, équipée au Maroc par les Américains, débarquant en Normandie, libérant Paris presque par surprise, déboulant en Alsace par le col de Saverne et arrivant avec fougue, le 23 novembre 1944, aux pieds de la cathédrale de Strasbourg, dans une course folle avec la 1ère armée du général de Lattre. Cela après des milliers de kilomètres de chevauchée et de combats,
et des milliers de morts pour la libération de la France. Aux pieds d'une cathédrale en pierre rouge, ocre comme le désert tchadien, rugueuse comme une falaise du Sahara...
Une chevauchée qui, emportée par son élan, arrivera en mai 1945 jusqu'au nid d'aigle de Hitler à Berchtesgaden, en Bavière, dont s'emparent les Spahis arabes de la DB, revanche à la fois de l'Histoire et de la géographie. Tout au long de sa traversée pour la libération de l'Europe, la 2e DB et le 1ère Armée laisseront des milliers de morts sur la route, dont une proportion élevée de soldats d'Afrique et du Maghreb.
Enjeu de luttes séculaires entre Français et Allemands, plusieurs fois occupée en moins de deux siècles, Strasbourg a pris sa revanche sur la guerre, devenue le symbole de la réconciliation franco-allemande et de l'entente européenne. Siège officiel, avec Bruxelles, des institutions communautaires, elle réunit aujourd'hui autour de sa cathédrale - et sans doute avec la même audace intacte depuis le serment de Koufra - les aspirations communes de toutes les nations européennes.
Merci pour ce beau rappel, si proche de l'histoire des "Marsouins de Leclerc", auprès desquels j'ai l'honneur de servir...
:)
Rédigé par : So | 13 juin 2008 à 15:12
C'est toi qui fais honneur à la réserve et à ton unité. Mais l'esprit de Koufra est ce dont nous avons le plus besoin en ce moment d'abandon. A lundi soir ?
Rédigé par : Pierre Bayle | 13 juin 2008 à 22:26