Mon vieil ami Daniel Mitrani, qui se présente modestement comme "militant socialiste parisien - Section de Paris 14, Petit Montrouge", m'a envoyé ce petit billet pour exprimer son inquiétude de voir de faux débats et de vaines polémiques réapparaître à l'occasion de la prochaine visite du pape Benoît XVI à Lourdes. Ce militant laïc de toujours, mais qui respire le dialogue inter-religieux et l'a vécu dans sa propre famille de façon admirable, mérite d'être entendu. Je lui cède la parole :
"Quand un pape vient en France, ça ne passe pas inaperçu. Et c'est vécu de diverses manières. Pour la plupart des catholiques, élan de ferveur. Chez les vrais laïques (croyants, agnostiques ou athées), temps fort d'un débat mené sans agressivité ni complaisance. Et, au royaume des fanatiques, qu'ils se disent chrétiens, fidèles d'une autre religion ou laïques, magnifique aubaine pour se défouler.
"La prochaine visite de Benoît XVI ne devrait pas faire exception. Dans le clan des catholiques intégristes, les uns exploseront de joie devant un tel geste qu'ils interpréteront comme un signe de retour vers l'Eglise d'avant le concile Vatican II ; d'autres se répandront en imprécations après telle phrase qui annoncerait un nouveau glissement vers l'abandon des saines traditions. Les gardiens de musée de la laïcité ne seront pas en reste. A chaque faux pas ou parole malheureuse du Pape, ils feront rougeoyer devant nos yeux les bûchers de l'Inquisition et nous mettront sous le nez l'acte de révocation de l'Edit de Nantes.
"Pour ma part, socialiste et agnostique, je chercherai les occasions de confrontation sur la place des religions et l'action des églises face à quelques problèmes de notre société. Avec les catholiques... et avec tous les autres. Pas seulement les individus, mais aussi leurs institutions.
"De tels dialogue sont possibles parce que la loi de 1905 délimite clairement les domaines d'autorité des pouvoirs publics et ceux des familles spirituelles, religieuses ou pas. Il n'appartient à aucune de ces familles de légiférer pour les citoyens ou pour une catégorie d'entre eux, mais chacune a quelque chose à nous dire et, qu'on soit d'accord ou pas avec ce quelque chose, il faut y prêter l'oreille.
"Convergences, divergences, oppositions majeures... De thème en thème, une géométrie variable placera et déplacera les acteurs les uns par rapport aux autres. Il serait peu sérieux de vouloir les scotcher, chacun sur sa case de l'échiquier ! D'autant moins sérieux que le dialogue a un autre résultat : tout en confortant les convictions profondes, il suscite quelques interrogations. Chacun garde son identité , mais jette parfois un nouveau regard sur les gens et les choses. Ce qui contribue à la distinction entre les faux conflits et les vrais.
"Ce discours, dira-ton, sent son fagot crypto-clérical. Mais que les censeurs y songent : si nous adoptions une stratégie de ligne Maginot, nous ferions un superbe cadeau aux divers cléricalismes... et aux amis d'un président en difficulté. La récente offensive de charme lancée par Sarkozy en direction des catholiques n'a pas donné les résultats espérés. Beauoup, quel que soit leur choix politique, ont peu apprécié son OPA. Il en prépare une nouvelle, plus subtile. N'allons pas lui faciliter la tâche ! Souci bien tacticien dans un tel débat. Tacticien mais incontournable."
Daniel Mitrani, Paris 24 août 2008.
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