Petit et mal indiqué, le Mémorial des alliés à Dunkerque, installé dans une ancienne casemate en bordure du port, raconte dans un espace restreint, mais étonnamment dense et riche d’objets et de documents, la double épreuve des combats qui ont deux fois détruit la ville : en 1914-18 et en 1940 avec surtout l'épopée du "rembarquement" des forces alliées assiégées par les troupes allemandes, illustrée ici par le peintre militaire britannique le capitaine Charles Cundall.
Une exposition retrace en ce moment la moins connue de ces deux épreuves, la bataille de la première guerre mondiale. Dunkerque occupe, à la frontière de la Belgique, la place peu enviable de verrou d’entrée du territoire français, par terre et par mer. Située dans une plaine à ras de la mer, avec des terres inondables, elle a été protégée en 1914 par l’inondation volontaire des zones situées au nord-est, donc en Belgique.
Le front s’est alors déporté vers le sud de la ville, et la ville d’Ypres a eu le malheureux privilège de servir à baptiser le gaz moutarde, l’ypérite, que l’armée prussienne a expérimentée dans la zone. Tranchées envahies de morts, blessés en convulsions, survivants avançant en titubant sous les rustiques premiers masques à gaz, artillerie omniprésente qui frappait systématiquement les localités. Dunkerque a dramatiquement souffert de ce premier combat destructeur, et ne sera à peine reconstruite que pour être à nouveau détruite par un nouvel assaut, vingt ans plus tard.
Plus courte mais encore plus meurtrière, la bataille de Dunkerque en mai 1940 n’a pas duré une dizaine de jours (du 28 mai au 4 juin) mais aura fait des dizaines de milliers de morts jusqu'à ce que, l’opération "Dynamo" terminée, l’armée française cesse le combat et que les 40.000 soldats restés sur la plage rejoignent en longs convois les camps de prisonniers en Allemagne. Laissant une ville cette fois totalement rasée, comme le montrent les photos et les maquettes impressionnantes de ce musée.
Des livres et des films (dont "Week-end à Zuydcoote") ont décrit l’angoisse de ces 400.000 soldats des armées alliées repoussées par l’offensive allemande jusqu’à la mer, coincés sur la bande de plage, le dos à la ville en ruines dévastée par les bombardements, face à une mer où les bateaux étaient trop peu nombreux, inaccessibles et beaucoup détruits par l’aviation allemande, sous les yeux des soldats massés sur la plage : plus de 150 bateaux de tout tonnage seront coulés, causant la mort de 4.000 à 5.000 militaires à peine embarqués.
Plusieurs dioramas, des maquettes superbes de réalisme construites par Claude Le Boeuf, racontent mieux qu’un long discours cette situation intenable, où des files de soldats – d’abord britanniques, ils étaient prioritaires – attendaient d’embarquer sur d’improbables navettes pour gagner des bateaux ancrées en eau plus profonde. Les premières tentatives d’embarquement dans le port avaient abouti à un massacre, les Stukas ayant bombardé les unités anglaises une fois celles-ci chargées jusqu’à ne plus pouvoir ajouter un homme sur le pont.
La ténacité britannique, avec la mobilisation de tout ce qui pouvait flotter et naviguer, soit 1.400 bateaux de toute taille y compris les barques de pêche et les bateaux de plaisance, ont quand même permis de rembarquer 340.000 militaires, dont 120.000 français, qui seront autant de combattants prêts à reprendre le combat pour libération de l’Europe et le rétablissement de la démocratie.
Dunkerque restera occupée jusqu’en 1945, et un certain nombre de ses habitants, dans une population sinistrée revenue occuper ce qui était habitable, ont été fusillés pour faits de résistance. Plus que beaucoup d’autres ville françaises, Dunkerque a payé très cher le prix de la liberté. Elle en savoure d'autant plus aujourd'hui d'être un carrefour européen accueillant autant de touristes belges que britanniques.
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