J’entends et je lis beaucoup de déclarations de responsables politiques corses qui en appellent à la démocratie et à la mobilisation des “démocrates corses” contre le “déni de justice” que représente la condamnation en appel d’Yvan Colonna, et j’ai envie de leur demander : faites la preuve de votre bonne foi.
Cette preuve, c’est un geste simple. La défense du “berger de Cargèse” ne doit pas faire oublier la mort brutale du “préfet d’Ajaccio”, Claude Erignac, dont aucun démocrate digne de ce nom ne peut nier qu’elle a été odieuse et doit être condamnée, sans haine mais avec fermeté, sans aucune complaisance.
Pas moins de neuf petites et grandes viles en France ont choisi de commémorer la mort dans l’exercice de ses fonctions de ce grand serviteur de la République, en donnant son nom à une place, à une rue, à un espace ou à une école : Paris, Nancy, Messein (Meurthe et Moselle), Montreuil (Seine Saint-Denis), Le Pecq et Sartrouville (Seine et Oise), Aurillac, La Tour du Pin, Auch.
Pourquoi n’y aurait-il pas une rue ou une place du préfet Claude Erignac en Corse ? Pourquoi aucun démocrate corse n’a-t-il encore osé proposer cette idée simple et hautement symbolique ? Et en particulier à Ajaccio, la ville où il a donné sa vie ?
Bien sûr, il ne s’agit pas débaptiser la rue Colonna d’Ornano où il a été abattu. Jean Colonna d’Ornano est le nom d’un autre grand serviteur de la République, mort à 46 ans dans l’exercice de ses fonctions. Le commandant Colonna d’Ornano était un officier de la France Libre, mort au combat avec les hommes du général Leclerc dans le désert libyen, son souvenir doit être respecté.
Mais il est certainement possible de trouver une rue, un espace, un parc ou un square qui pourraient recevoir le nom de Claude Erignac. Le 6 février 2008, une toute petite manifestation avait rassemblé deux cents personnes à Ajaccio pour commémorer la disparition du préfet d’Ajaccio. Son successeur avait annoncé la création d’un petit square au nom de Claude Erignac.
Sans doute le dossier est-il long à traiter. Sans doute aussi la pression populaire et des élus locaux n’a-t-elle pas été assez forte pour soutenir cette initiative, et les deux cents manifestants d’alors pèsent peu face aux milliers qu’on a vus ce samedi à Ajaccio. Mais l’inauguration d’un square ou d’une place donnerait toute leur légitimité à ceux qui se revendiquent aujourd’hui de la démocratie, en même temps qu’elle serait un signal fort de cette solidarité, revendiquée par les mêmes, “entre la France et la Corse”, une solidarité qui se décline évidement dans les deux sens.
Sur le petit monument à sa mémoire, place Claude Erignac à Paris dans le seizième arrondissement, quelques citations du préfet disparu. L’une d’elle pèse lourd aujourd’hui : “oublier un crime est un crime”.
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