Débat surréaliste sur l’OTAN, dans la presse française, entre responsables politiques de tout bord : avec des mots différents, leur consensus est patent sur l’opposition à la pleine réintégration de la France dans le commandement militaire de l’OTAN, au nom de la sacro-sainte indépendance de la France.
Entre Alain Juppé, Ségolène Royal ou François Bayrou, les nuances sont légères. Avec des arguments différents, c’est la même réflexion qui s’inspire du gaullisme, sans aller toutefois jusqu’à s’en réclamer.
Pour résumer, l’argument essentiel pour s’y opposer est que l’OTAN cherche une légitimité politique alors qu’elle n’en a plus sur le plan militaire, avec la fin de la guerre froide, notamment en étendant son champ d’influence à l’est du continent européen et jusqu’en Afghanistan.
La France, disent-ils tous, n’a aucune raison de contribuer à cette légitimation politico-diplomatique, facteur de dissensions possibles entre l’Union européenne élargie et les anciens membres de l’URSS, et au premier chef la Russie. Pourtant, la diplomatie américaine elle-même semble évoluer vers la reconnaissance d’un monde multipolaire, en renonçant, mais cela reste à concrétiser, à l’hyper-puissance née de sa victoire dans la guerre froide et de la fin de la gestion bipolaire du monde qui la caractérisait.
Soit. Notre pays a raison de préserver sa voix autonome dans le concert des nations. Mais la France a-t-elle encore une voix audible ? La France qui renonce à rayonner, fermes ses ambassades et ses consulats, limite ses budgets des affaires étrangères, de la coopération et de la défense, et sacrifie les outils de rayonnement que sont l’Alliance française, l’AFP et RFI ? La gaullisme a été une grande politique ambitieuse, aussi longtemps que la France s’en donnait les moyens. Ce n’est absolument plus le cas aujourd’hui, il faut au moins que ceux qui se réclament d’une inspiration gaulliste veuillent l’admettre.
Nos voisins européens ne comprennent pas non plus cette schizophrénie française qui consiste à invoquer la défense européenne de manière incantatoire et à refuser de siéger avec eux dans les instances militaires de l’OTAN, premier instrument historique de la défense de l’Europe, même si notre orgueil national a du mal à le reconnaître. Quel paradoxe de vouloir faire l’Europe tout seuls et d’imposer notre vision à nos voisins et partenaires européens !
Reste à voir, justement, ce que la France aura négocié de son retour au bercail Otanien : si elle n’a pas de contrepartie, son geste aura été inutile. Si au contraire elle obtient des Etats-Unis la reconnaissance d’un pilier européen au sein de l’OTAN, ce que Washington a refusé jusqu’ici, la France aura toutes les raisons de réintégrer pleinement les structures militaires, et ses partenaires de l’en féliciter…
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