La confusion du débat français sur l’OTAN est si grande – voir l’édito de Pierre Lefranc dans... Libération, ou la posture archéo-gaulliste de la gauche et du MODEM – qu’on en oublie de considérer ce que pensent nos voisins européens de la réintégration de la France dans le commandement intégré.
Simple détail, les Britanniques et les Allemands ont dû bien rigoler quand ils ont lu ou entendu que la réintégration de la France était une perte de souveraineté : la Grande Bretagne ne s’est pas gênée pour dégarnir le dispositif OTAN en pleine guerre froide quand il s’est agi d’aller faire sa guerre aux Malouines ; quant aux Allemands, leur indépendance leur a valu une brouille profonde avec Washington au moment de l’intervention américaine de 2003 en Irak.
La Tribune a publié lundi un éditorial du plus francophile des Allemands, l’ambassadeur Hans-Joachim Bitterlich, qui mérite d’être lu : “l’Europe de la défense est-elle sur les rails ?”. Dans laquelle il constate d’abord que la présidence française a su “faire avancer de manière pragmatique et considérable la coopération au sein de l’Union européenne dans une série de domaines” liés à l’Europe de la défense.
Pour lui, la consolidation européenne et la réintégration de l’OTAN sont évidemment liées et nullement contradictoires : “l’annonce de Nicolas Sarkozy de vouloir réintégrer complètement la France au sein de l’Alliance atlantique, allant de pair avec le renforcement de la défense européenne, a décrispé le débat : la défense européenne doit-elle être complémentaire ou autonome, voire indépendante de l’Alliance ? Quels sont les mécanismes qui permettront de bâtir une nouvelle confiance entre l’Union européenne et l’Amérique du Nord ?”
Analysant la “crise permanente” dans laquelle la diplomatie américaine a enfermé l’Alliance atlantique, et dénonçant “la fuite en avant”, Bitterlich n’a pas de complaisance pour la machine otanienne et voit en l’Alliance “un modèle en fin de série”.
Il interpelle donc le nouveau président américain et lui adresse “le message que les pays membres de l’Union et membres de l’OTAN souhaitent créer avec lui une nouvelle Alliance”.
La conclusion est évidente, même s’il ne l’explicite pas : en sortant d’un isolement dont elle ne voulait plus payer le prix financier – quand on parle du général De Gaulle on parle d’un autre niveau du budget de défense – la France s’est réinsérée dans un jeu égal avec ses partenaires européens et permet désormais l’émergence du pilier européen de l’Alliance atlantique. Un pilier conçu non pas comme une addition de vassalités, mais comme l’émergence d’une nouvelle ambition de souveraineté partagée entre Européens, ce qu’on pourrait nommer, au risque d’en choquer beaucoup, un gaullisme européen !
Commentaires