La Feria de Séville, j’en avais vu de très belles photos de femmes en robe de danse, de chevaux ornés et bichonnés avec de beaux cavaliers en costume traditionnel, de belles calèches et de superbes taureaux, bref d’un décor de carte postale au milieu d’une ville monumentale, mais je n’avais pas idée de l’ambiance si particulière de cette fête, fête d’abord populaire et dernière festivité païenne dans un pays resté foncièrement catholique.
Il faut commencer par oublier la ville, la somptueuse Séville : la Feria se déroule dans un endroit consacré, quelque chose entre la Foire de Paris et le Salon du Bourget, une vaste surface où un millier (chiffre officiel) d’espaces privatisés, les casitas (petites maisons, en réalité des tentes) accueillent des invités, avec quelques-un seulement ouverts au public. Dès la tombée du jour, les Sévillans en costume parcourent les rues en groupes pour traverser le Guadalquivir et se rendre à la Feria.
Autant le dire tout de suite, la fête est destinée aux Sévillans ; le touriste est le bienvenu mais n’a pas de place particulière. Il doit se contenter de déambuler dans les allées, s’attabler aux terrasses publiques pour déguster des churros trempés dans un chocolat chaud, ou acheter du turron et des amandes caramélisées, mais a du mal à entrer dans nombre de ces locaux nocturnes protégés par un vigile en uniforme ou un videur professionnel.
Rien de grave, ces espaces sont ouverts sur l’extérieur et l’on peut écouter les orchestres et les chanteurs de flamenco ou regarder les Sévillans qui dansent, entre deux bières servies sur de petites tables. Le spectacle est permanent, la bonne humeur contagieuse et beaucoup de jeunes et de moins jeunes dansent même à l’extérieur, toutes classes et toutes générations confondues, dans un chahut musical de plus en plus impressionnant à mesure qu’on s’enfonce dans la nuit.
Club des solitaires, club des notaires, club des communicants, club du parti communiste (PCE), clubs des groupes industriels de la ville, club du “il n’est jamais trop tard”, c’est tout le tissu politique, économique et social de la ville qui se décline au long des avenues de la Feria, avec des zones plus huppées, d’autres plus avec des concentrations de jeunes immobiles qui bavardent dans la nuit, une cannette à la main.
Des montagnes de déchets s’accumulent dans les coins et des voitures de police sont stationnées aux principaux carrefours car les agressions – ou bagarres – ne sont pas rares, parfois mortelles comme celle qui a coûté la vie à un jeune de dix-neuf ans vendredi.
Mais la magie est la plus forte, et l’on sent que cette fête est préparée une année durant , un peu comme le carnaval pour les Vénitiens. Toutes les femmes sont en robes colorées à volants, toutes s’essayent à danser et certaines avec une très grande maîtrise. Le spectacle est autant dans les casitas que dans la rue, et même à une heure du matin on voit passer des couples en costumes et à cheval, les femmes en amazone derrière les cavaliers.
Et tout le reste de la ville vit au rythme – tardif – de la Feria, avec un ballet de belles en robe à volants et de calèches somptueuses, donnant à Séville un parfum particulier et follement entraînant. Avec parfois d’autres fêtes qui se superposent et sont autant d’occasions de boire et se réjouir pour la ville en liesse. Samedi soir, dans tous les bars et restaurants où la télé était allumée, les Andalous ont explosé de joie lorsque les Catalans de Barcelone ont infligé une correction au Real Madrid, par 6 buts à 2…
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