L’Australie déconcerte ses grands voisins, la Chine et l’Inde, en annonçant un ambitieux programme de réarmement sur vingt ans qui comprend notamment la commande de douze sous-marins, onze frégates (dont trois antiaériennes), vingt navires de souveraineté, 24 hélicoptères ASM, plusieurs TCD et unités amphibies, des missiles de croisière navals, 72 avions de combat F-35 de nouvelle génération, huit avions P8 de surveillance maritime et un millier de véhicules de combat d’infanterie.
Le nouveau Livre Blanc australien pour la Défense, qui énumère cet arsenal, a été présenté samedi dernier à Sydney par le Premier ministre Kevin Rudd. Il donne à l’évidence la priorité à la Royal Australien Navy (RAN) contre la menace, réelle ou supposée, de l’équipement de la Chine comme puissance navale.
La RAN partagera également une flotte interarmées de 46 hélicoptères de transport.
Les missiles de croisière longue portée (2500 km) devront pouvoir mener des attaques de précision contre des objectifs à terre, “durcis, défendus et difficiles à atteindre”. Les nouvelles unités devront permettre à la marine d’effectuer des missions de protection du littoral, des opérations anti-piraterie, d’intervenir en soutien des forces spéciales et d’encourager les missions de stabilisation de la région.
Cette priorité accordée à la marine australienne reflète un recentrage sur « l’intérêt stratégique fondamental de défendre l’Australie contre toute attaque armée directe ». Jusqu’alors, c’était l’armée de Terre qui avait été privilégiée notamment à cause de l’engagement australien au Timor oriental, en Irak et en Afghanistan.
Cette réorientation traduit le souci du gouvernement australien de ne pas se trouver dépendant d’une suprématie américaine en déclin et de protéger ses approches septentrionales en cas de montée de la tension dans cette partie du Pacifique. Est explicitement désignée la menace constituée par l’équipement de la marine chinoise en une force puissante et capable d’intervenir loin de ses bases, même si une telle menace n’est pas considérée comme immédiate mais à long terme.
Parmi les facteurs d’insécurité évoqués par le Livre Blanc, la déstabilisation provoquée par la crise économique mondiale, la guerre cybernétique, l’insécurité dans le Pacifique, le terrorisme islamique, les armes de destruction massive et le dérèglement climatique. Mais ce qui inquiète surtout les stratèges australiens, c’est donc le risque que l’Australie se trouve démunie face à la montée dans la région de puissances comme la Chine, l’Inde et la Russie qui semble revenir.
« L’Australie a été un pays très sûr pendant de nombreuses décennies, parce que la région Asie-Pacifique a joui d’une période de paix et de stabilité sans précédent due à la primauté stratégique américaine. Cet équilibre est en voie de transformation du fait des mutations économiques qui induisent une nouvelle répartition des pouvoirs stratégiques. Les risques découlant d’une escalade stratégique pourraient survenir de manière imprévisible », sans exclure des conflits concventionnels.
Pour le ministre de la défense Joël Fitzgibbon, le monde doit affronter "le début de la fin” de la prédominance incontestée du principal allié des Australiens depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Le Livre Blanc critique aussi la Chine pour ne pas avoir fourni d’explication satisfaisante au développement militaire de ces dernières années, qui semble avoir dépassé la force proportionnée à un conflit sur Taiwan.
Du fait du risque de repli américain, autant l’Australie tient à son alliance avec les Etats-Unis, autant elle n’envisage pas de risquer ses troupes « sur des théâtres de conflit éloignés où elle n’aurait pas d’intérêt directs », mais préférera se concentrer sur la défense de ses approches maritimes et de son approvisionnement énergétique.
On savait que le Pacifique serait une nouvelle zone d’affrontement, mais c’est la première fois qu’un pays riverain le dit aussi ouvertement. Les flottes d’Asie se modernisent et se renforcent, la lutte contre la piraterie en Somalie a vu arriver nombre d’unités chinoises et indiennes le long des côte africaines : avant même le Pacifique, l’Océan indien est le théâtre d’un déploiement de forces.
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