Avec quelques jours d’avance sur l’année dernière, la Pelagia noctiluca est arrivée sur les côtes italiennes, venant d’Espagne par la Corse : au rythme lent des courants, les méduses traversent la Méditerranée avant de s’échouer sur les plages, faute d’être dévorées en cours de route par les baleines et autres médusophages que sont les thons, poissons lune et tortues.
Précédée par des titres ravageurs dans la presse locale, la petite méduse rose piquante, qui est au Hot Ketchup ce que la méduse bleu-porcelaine est au Ketchup de base, provoque un phénomène spectaculaire : des masses de baigneurs transpirant après être sortis en courant hors de l’eau, mouillés à peine jusqu’aux chevilles, les plus courageux armés d’une épuisette ou d’une pelle pour déconfire l’ennemi.
Honnêtement, le plaisir esthétique que l’on peut avoir à regarder ces méduses nager dans l’eau est singulièrement gâché par le désagrément urticant et parfois violent que l’on éprouve en croisant un de leurs filaments invisibles, et d’autant plus effrayants qu'on ne les voit pas.
Ni animal ni végétal, mais un peu des deux, la méduse se contente de se laisser porter par le courant et peut disparaître du jour au lendemain, si le courant a tourné et les ramène au large. Les pauvres petites têtes roses n’en savent rien elles-mêmes, se déplaçant en bandes inorganisées, et leur destin est le plus souvent de finir en petit tas mou sur le bord de la plage, par paquet de vingt ou cent selon l’habileté des jeunes chasseurs.
Il suffit d’un bon regard pour les distinguer sous la surface, d’un bâton et d’un gros caillou pour les coincer sans se faire piquer – on n’a pas toujours une épuisette sous la main – et la bête est neutralisée, sortie de l’eau toute pendouillante et jetée sur le sable sec.
Là, tristement, la gracieuse silhouette qui flotte entre deux eaux comme une fleur perd peu à peu les 98% d’eau qui forment sa structure et, en se desséchant, dégage une odeur progressivement pestilentielle. Il faudra un jour penser à protéger aussi cette espèce, au lieu d’en remplir les poubelles avec des cris d’effroi.
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