Question récurrente et sans aucun intérêt : pour qui écris-tu, si tu gardes ton blog confidentiel ? Il serait prétentieux de dire : j’écris pour l’éternité. Mais pour le dire autrement, ne pas être lu tout de suite m’indiffère totalement, comme chez beaucoup d'autre blogueurs.
D’abord, reconnaissons-le, on blogue d’abord pour soi. Loïc Le Meur, le premier à m’avoir convaincu de cette nouvelle forme d’expression, est au contraire l’archétype du nombrilo-bloguisme, l’autopromotion permanente et sans complexe, avec un sens aigu de la communication. Je n’ai pas son talent et ne peux donc jouer dans cette catégorie.
Mais j’ai retenu quand même son message essentiel : si tu ne prends pas du plaisir à écrire, peu de chances que quiconque éprouve du plaisir à te lire. Ce qui est vrai de l’écriture l’est encore plus de “l’e-criture”, dont la sanction est instantanée. Alors on écrit d’abord pour se faire plaisir et ça, au moins, ne dérange personne.
J’ai convaincu quelques amis réticents et ne suis pas peu fier d’être un peu à l’origine d’une paire de blogs connus, dont le succès me ravit. Certains journalistes ont trouvé là une dimension qu’ils ne pouvaient satisfaire dans les colonnes de leur journal. Le pionnier à cet égard a été Pierre Haski lorsqu’il était correspondant de Libé en Chine et qu’il tenait un blog passionnant et dense – un esprit conservé chez Rue 89.
Ensuite, certains dont je suis ne cherchent pas l’audience – je n’ai du reste pas de compteur affiché. En ce qui me concerne, je m’adresse à “l’ailleurs” et à “l’après”. Un peu comme les messages gravés sur une puce envoyée sur Mars, j’ai l’illusion que tout ce que nous écrivons sur le Net est archivé sur des disques durs géants, par exemple chez Les Mormons à Salt Lake City, et sera disséqué dans les prochaines décennies – ou les siècles à venir, quand nous serons partis et oubliés depuis longtemps.
Je me contenterais en fait d’une demi-page dans le Lagarde et Michard du 21e siècle, genre : “Pensées sur la Planète, ou les aphorismes d’un Sapeur cyber-camembert”. Avec si possible un sujet au bac 2109 : “littérature non publiée et littérature jetable, les bouteilles à la mer des blogs oubliés”.
Bloguer, finalement, c’est comme voter. On n’est pas obligé de le faire, mais ne pas le faire du tout, ne pas utiliser ce droit, c’est un peu renoncer à une part essentielle de démocratie. Preuve en est ces pays dont les régime autoritaires font tout pour empêcher les citoyens de bloguer tranquillement ou même de surfer sur le Net. C’est bien ce que je disais, bloguer est un acte individuel citoyen. Rien à voir avec le bruit de fond du “buzz”…
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