L’armée de terre française s’est finalement dotée d’un nouveau savoir-faire, dont elle a éprouvé le besoin dans ses opérations extérieures : le “contrôle de foule”, forme de maintien de l’ordre réduite à l’essentiel, pour des hommes qui, contrairement aux Gendarmes, n’ont pas de formation juridique particulière et ne peuvent s’improviser forces de maintien de l’ordre (voir l’article du chef d’escadron de Gendarmerie Nied, lors de son passage au CID) .
Dans ses missions actuelles qui ne sont pas des missions de guerre mais peuvent l’exposer à la problématique de la maîtrise de la violence, l’armée française ne peut se permettre de recourir aux armes létales dont elle est équipée, même si son adversaire utilise des armes de guerre tout en se réfugiant derrière des foules civiles, comme cela a été a été vécu plusieurs fois en Afrique ou dans les Balkans, notamment en Somalie et au Kosovo.
Pas question de se doter d’équipements spécifiques au maintien de l’ordre, qui restent de la compétence de la police et de la gendarmerie. Mais en revanche, un entraînement spécifique et un aguerrissement face aux mouvements de foule deviennent indispensables sur tous les théâtres où les armées sont déployées dans le cadre de misions de maintien ou de rétablissement de la paix, comme c’est le cas le plus fréquent aujourd’hui.
La démonstration en a été faite il y a quelques jours aux parlementaires de l’université d’été de la défense à Saumur, en conclusion d’une passionnante démonstration de l’armée de Terre dans le camp de Fontevraud. Une compagnie a été déployée face à une foule de manifestants hostiles, lançant des objets et agressant les militaires. Armés de gros boucliers en matière synthétique, les militaires ont d’abord formé un alignement serré devant leurs véhicules blindés, puis ont avancé en formant la très ancienne ”tortue” de la Légion romaine.
Avançant ainsi en bloc compact et cherchant à intercepter uniquement les meneurs et les provocateurs parmi les manifestants, les militaires restent abrités des jets de pierre et peuvent “manœuvrer” dans une relative sécurité, sans même faire apparaître d’armes.
Dans ce processus de violence contrôlée, un élément important apparaît enfin, : l’opérateur télé qui, placé à l’arrière du dispositif, filme en permanence afin de recueillir le témoignage visuel sur l’opération en cours et fournir des preuves en cas de mise en cause. C’est le concept des “combat caméras”, opérateurs d’images travaillant exclusivement pour des besoins opérationnels et juridiques, en cas de contestation. Lancé et mis au point par les forces américaines, le concept de “combat caméra” arrive ainsi dans les armées françaises et comble un vide qui les pénalisés dans plusieurs crises, la dernière en date étant celle des événements devant l’hôtel Ivoire à Abidjan.