Le vrai luxe d’une vie agitée où l’on court après le temps, c’est de lire son Libération le samedi matin avec un grand café, en sirotant à la fois le café, le journal, les idées, le temps qui s’arrête et en parcourant le monde dans un fauteuil.
Contrairement au Monde, dont la lecture m’est depuis trente ans un exercice obligé donc culpabilisant, avec cette angoisse de se demander à quelle heure de la journée on va le lire pour ne pas “rater” quelque chose, Libé est intemporel : j’ai l’impression qu’il a renoncé depuis longtemps à être un quotidien d’information, pour être plutôt un hebdo de chaque jour, fenêtre ouverte sur la société et sur la planète.
Donc en fin de semaine, une pile de Libé se déguste de façon impressionniste, en appréciant les saveurs, alors qu’une pile de Monde se consomme rageusement, les ciseaux à la main, traquant l’analyse à mettre de côté – j’ai un ami qui a n’a jamais cessé de constituer des dossiers depuis Sciences-Po en stockant des montagnes d’articles, base de données à la lecture improbable…
J’étais en colère ces derniers temps parce que le livreur de Libé – mon vrai luxe, le portage à domicile – faisait grève le samedi, et que je trouvais deux quotidiens dans la boîte le lundi matin, au moment le plus stressant de la semaine quand il faut recommencer à galoper sans se laisser désarçonner. Passer de l’arrêt au galop sans allure intermédiaire, pour qui connaît le cheval arabe, est particulièrement sportif.
Quelques mails ont suffi et ma récré du samedi matin a repris son rythme, vital pour le redémarrage d’une pensée autonome. C’est dans Libé par exemple, en lisant le portrait du Modem Alain Dolium, que je découvre qu’il y a peut-être un autre choix que l’insipide Huchon pour les régionales à Paris; et que je constate que le PS s’indigne sur l’identité nationale mais n’a toujours pas neutralisé l’inacceptable Georges Frèche.
Surtout, à ne pas rater, j’ai pris le temps de lire les quatre pages sur le biographe de Gabriel Garcia Marquez, Gerald Martin, avec son regard distancié sur un écrivain fascinant et agaçant par ses amitiés castristes, mais dont l’Histoire ne retiendra, heureusement, que la fabuleuse somme littéraire. A part l’incontournable “Cien anos de soledad”, mon préféré est “El coronel no tiene quien le escriba”, beaucoup plus court mais si dense.
Bon, j’y retourne, j’en ai plein d’autres à lire. Et comme il pleut, pas de regret de ne pas faire de jogging !
bonsoir je viens de voire votre blog avec les photos d'avions il est magnifique
Rédigé par : pierreveluzat | 12 décembre 2009 à 20:01
Merci Pierre, j'ai été faire un tour sur le vôtre - et j'y mettrai des commentaires - j'aime beaucoup le sens du voyage avec la référence aux trains, partout même en Asie. La Baie d'Along est vue avec un regard authentique, pas exotique. Un regard de voyageur !
Rédigé par : pierre | 12 décembre 2009 à 23:46
Erreur : même quand il pleut, on peut toujours faire un jogging... C'est souvent aussi jouissif que la dégustation intemporelle d'un exemplaire de Libé. Ah ! Les senteurs d'un sous-bois pendant une pluie d'automne lorsque le seul bruit est celui des baskets frappant le sol à une cadence réglée comme celle d'un métronome... Ah ! Les odeurs fortes qui se dégagent de la campagne pendant un orage d'été... Oui, décidément, la solitude choisie et assumée alliée au dépassement de soi et à la saturation des sens, il n'y a que cela ! Bien entendu, ce n'est que l'humble avis d'un épicurien du sport anonyme. Bien à toi.
Rédigé par : Jean-Jacques Cécile | 26 décembre 2009 à 07:43
cher Jean-Jacques, je suis comme ton un joggeur impénitent et j'aime la nature par tous les temps. Mais j'avoue que parfois, la paresse d'une lecture (et pas seulement Libé - je viens de finir ton bouquin...) avec un bon café c'est un plaisir unique. Je ne suis pas encore arrivé à lire en courant !!!
Amitiés,
Pierre
Rédigé par : pierre | 26 décembre 2009 à 18:28