“Roma, la vera vita”, en contrepoint de la “dolce vita”, c’est le titre d’une exposition d’un amateur éclairé, Fabrizio La Torre, passionné de photo qui a promené sa vie durant son œil curieux et son objectif discret en cueillant la réalité la plus quotidienne, la plus humaine et la plus proche et dont la première expo, à 89 ans, révèle un talent ignoré et une très grande sensibilité.
Ouverte vendredi à l’Institut italien de culture à Paris (50 rue de Varenne), et jusqu’au 26 février, cette exposition en a étonné plus d’un. Et d’abord l’auteur lui-même, qui ne pensait pas que ses photos iraient plus loin que ses albums photos personnels. Il a dû laisser bousculer sa modestie personnelle par l’enthousiasme familial (dont celui de mon frère François, puisque il s’agit de notre oncle…)
Marin par son service militaire, grand voyageur par ses métiers successifs, Fabrizio a photographié les totems indiens du Canada, les gratte-ciels new-yorkais, les temples thaïlandais et cambodgiens, en noir et blanc et bien avant le tourisme de masse et la couleur. Il ainsi a réuni un patrimoine unique, minutieusement classé en négatifs, tirages, diapositives, albums.
Mais c’est à Rome, où il a grandi et vécu sa jeunesse, que ce petit-fils d’un photographe romain connu du 19e siècle, Enrico Valenziani, a eu le sentiment de l’évolution trop rapide des choses et des gens, retrouvant la capitale changée au gré de ses retours. C’est ainsi qu’il a tenté d’emmagasiner des souvenirs, le souvenir de ses émotions.
Ce n’est donc pas un hasard si l’inauguration a été l’occasion de retrouvailles pour d’anciens Français de Rome, du lycée Chateaubriand, de nombreux Italiens et Français également nostalgiques de cette Rome en noir et blanc d’avant les embouteillages, d’avant l’agitation, d’avant la vie moderne. Avec ce moment très fort de la tempête de neige de 1956, où l’on voit le célèbre escalier de la Trinité des Monts, les monuments romains, fontaines et palmiers, recouverts d’un insolite manteau blanc.
Mais comment devient-on photographe ? Au-delà d’un héritage familial qu’il n’a découvert que tardivement, c’est le hasard de la découverte et de l’expérience technique : un simple boîtier reçu en cadeau à l’adolescence, puis un Robot à objectif Zeiss avant la guerre, puis encore un Leica qu’il trouvait trop compliqué à charger ; après, un Exacta 24x36 toujours à optique Zeiss, acheté en 1953 à Francfort, avec lequel il fera des kilomètres de pellicule en noir et blanc et photographiera Rome pendant quinze ans. Il développait à l’époque chez les frères Nannini, dans un magasin qui sentait très fort le fixateur.
Ensuite un détour par un Exacta 6x6 peu pratique, puis un Rolleicord également 6x6 – les fims 6x6 n’avaient que douze poses ! - avant l’époque des reflex 24x36 japonais, essentiellement Asahi Pentax, plus léger. En même temps, il délaissait le noir et blanc papier pour la diapositive couleur, un univers nouveau et donnant de nouvelles dimensions à sa créativité.
Cette plongée dans ses premières archives a été l’occasion d’un grand retour au noir et blanc, le travail d’un photographe travaillant encore avec du papier Ilford, la discussion sur les tirages… Un grand coup de nostalgie pour lui, pour nous, pour les amoureux de Rome. Mais pas un point d’arrivée : plutôt un point de départ pour accepter de partager d’autres épisodes de la vie et de “l’œuvre” de Fabrizio, même s’il refuse de se considérer comme un “artiste”. D’autres épisodes sont prévus, d’autres époques à découvrir, peut-être d’autres expos. Heureux qui comme Ulysse…
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