Le printemps arabe a commencé en Tunisie, avec la révolution des jasmins qui a chassé le président ben Ali. Mais il n’est pas impossible qu’il ait déjà pris fin en Egypte, avec le départ du président Moubarak. Toutes les autres crises démarrées par un mouvement populaire, à Bahrein, au Yémen comme en Libye, sont en train d’évoluer de façon différente, avec une intervention militaire des autres pays arabes et les armées nationales placées de facto en position d’arbitre – comme déjà en Tunisie et en Egypte.
A Bahrein, la réaction militaire, massive et musclée, des autres membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) a surpris même les Américains, qui n’avaient pas été informés. Pas impossible que les Saoudiens aient vu d’un mauvais œil une attitude américaine jugée trop complaisante envers les révoltés chiites, surtout avec des commentaires de responsables américains décrivant les manifestations de Manama comme un affrontement entre un gouvernement sunnite et une population chiite. Inacceptable, pour les émirats du Golfe, à la fois de laisser pénétrer le critère communautariste dans leur politique intérieure, et d’imaginer un gouvernement chiite à Bahrein – il y a déjà un premier ministre chiite à Bagdad, il n’y en aura pas d’autre dans la région arabe, face à l’Iran.
Dès lors, avec les renforts massifs de police et de militaires des pays voisins (Arabie saoudite, EAU, Koweït), les manifestants de Manama sont condamnés à rentrer dans le rang, tout au plus y aura-t-il un remaniement du gouvernement pour que tout le monde sauve la face.
Au Yémen, l’intervention saoudienne est tout aussi musclée et l’opposition yéménite est elle-même trop divisée (entre les héritiers de l’ex RDPY, le mouvement Huthiste des tribus zaydites - chiites - et les radicaux proches d’Al-Qaïda). Riyad dénonce la main de l’Iran donc légitime sa propre intervention pour ramener l’ordre à Sanaa, avec un maximum de moyens. Et, par conséquent, le printemps s’arrêtera bien avant l’été.
Enfin en Libye, l’intervention inespérée des occidentaux a sauvé Benghazi in extremis, mais a également sauvé le régime – dans l’immédiat – car en décrétant un cessez-le-feu, le pouvoir du colonel Kadhafi a gelé la situation alors que, s’il avait poursuivi l’offensive contre la rébellion, il aurait risqué des frappes occidentales sur ses bases aériennes pouvant le désarmer totalement.
Il est à remarquer du reste que l’armée libyenne a pour l’instant brillé par son absence, pour le peu d’informations qui filtrent : les combats contre l'insurrection sont le fait de la garde présidentielle (qui a également des avions de combat) et de milices, mais on n’a pas entendu parler d’un déploiement de l’armée conventionnelle.
Celle-ci, il faut le rappeler, était maintenue depuis longtemps sous contrôle étroit par le guide de la révolution libyenne, et mise en concurrence avec une garde présidentielle suréquipée : il n’est même pas impossible qu’elle n’ait pas eu accès aux dépôts de munitions, tant la méfiance de Kadhafi était grande envers son armée régulière, d’où la frustration de celle-ci.
Entre un régime discrédité et une opposition encore mal structurée, il n’est pas impossible que l’armée libyenne devienne elle aussi une sorte de troisième force, se retournant en faveur du peuple et cueillant le bénéfice de l’insurrection pour instaurer un régime de transition. C'est ce qui sera vérifié dans les prochains jours.
Et si ce n’était que cela, ce serait déjà un grand progrès pour la Libye et pour toute la région arabe ! De toutes façons, après le printemps ce n'est jamais l'hiver...
D'ailleurs qu'est ce qu'elle dit l'armée sur la décision de l'ONU ?
Rédigé par : Pop | 20 mars 2011 à 23:36
L'armée libyenne reste étonnamment discrète, et laisse en première ligne la garde présidentielle (qu'elle déteste) et les miliciens africains (qu'elle méprise). Selon la presse du Qatar, le MI6 britannique est en train de contacter tous les généraux libyens pour tenter de les retourner. Pas impossible qu'ils en trouvent suffisamment pour renverser la situation...
Rédigé par : Pierre | 21 mars 2011 à 15:55