Avec la troisième et dernière interview du général Janvier en guise de conclusion, la série de témoignages sur la participation française à la guerre du Golfe en 1990-91 s’achève ici, sans prétendre à l’exhaustivité mais après avoir facilité un travail de mémoire collective et, parfois, de retrouvailles passionnantes.
Un blog n’est pas un site, loin de tout formalisme et de toute officialité. Celui-ci, comme beaucoup d’autres, n’a d’autre prétention que de glaner des impressions, des analyses, des points de vues différents et susciter un dialogue. L’exercice a bien été celui-là, pour ce qui n’est qu’une compilation faite au gré des apports et des réactions.
J’avais, sans le vouloir, ouvert une vanne en mettant en forme l’année dernière mes notes de correspondant de guerre dans le Golfe, dans les “pages perso” de mon blog, enrichies de quelques photos personnelles. Puis un appel du général Roquejeoffre, qui souhaitait retrouver la trace des envoyés spéciaux de l’époque, avec l’idée de faire “quelque chose” au moment du vingtième anniversaire du cessez-le-feu en mars 2011, m’avait stimulé : une première interview du général Roquejeoffre en avait suscité deux ou trois autres, dont les généraux Barro et Thorette et les photographes de presse Bernard Sidler et José Nicolas… et la machine a démarré toute seule.
L’interview du général Roquejeoffre a circulé en français, en anglais et même en arabe puisqu’elle a été publiée par l’hebdomadaire Al-Hawades. Les autres témoignages ont eux aussi circulé, et participé au vaste dialogue entre anciens, relayé par l’amicale Daguet et les amicales régimentaires.
L’amicale Daguet, justement : je n’aurais pas entrepris ce travail finalement assez long sans l’impulsion décisive de l’amicale Daguet présidée par le général Derville qui m’a ouvert bien des portes, et de l’infatigable animateur du site de l’amicale, Stéphane Gaudin, aussi très actif sur son site Theatrum Belli devenu une référence. Sans le soutien de Stéphane, l’affaire aurait pu s’arrêter très vite.
Mais la chaîne des acteurs de l’époque s’est mise en mouvement, les chefs de corps se répondant entre eux, me signalant des acteurs exceptionnels come l’aumônier du 1er Spahis, le père Kalka, ou me retrouvant les coordonnées de ceux qui n’étaient pas joignables. Quelques-uns n’ont pas souhaité parler, d’autres n’ont pu être joints. Encore une fois, il ne s’agissait pas de faire un livre, ni de prétendre être complet. J’ai ajouté un volet “Air” avec le témoignage du général Amberg et le récit du journaliste Pierre Julien.
Il manque à l’évidence un volet “Marine”, mais des contacts tardifs n’ont pas encore abouti – il y aura toujours la place de faire un complément. Il manque aussi un témoignage Artillerie, celui du Service de santé des armées, et très certainement le témoignage d’un des responsables américains sous contrôle opérationnel de Daguet…
Pour l’instant l’exercice s’arrête là, car les commémorations sont derrière nous, l’amicale Daguet s’est intégrée à la FNAME (Fédération nationale des anciens des missions extérieures), l’Histoire retourne à l’Histoire. Mais le général Janvier le rappelle opportunément : l’histoire des opérations extérieures se poursuit, avec son poids de souffrances et de sacrifices, confirmé par l’actualité. Avec cette vérité aussi, que le succès des armes de la France, donc sa capacité à faire entendre sa voix dans le monde, repose sur la capacité des Français à se mobiliser pour leurs soldats engagés en missions extérieures, à maintenir fort le lien armées-nation.
Daguet, c’était il y a déjà vingt ans, mais ce n’est pas si loin. Beaucoup de militaires engagés à l’époque ont quitté le service actif, d’autres sont encore sur les rangs. Les anciens chefs se sont mobilisés dans les amicales, associations et organismes de soutien comme la FNAME et la CABAT (Cellule d’aide aux blessés de l’armée de Terre). L’aumônier Kalka est reparti en Afghanistan, de même que le photographe José Nicolas, qui vient d’y accompagner le dernier contingent français, alors qu’Yves Debay est pour sa part parti en Libye. Les militaires français continuent à tourner dans le monde, accompagnés par les reporters qui assurent un indispensable relais avec l’opinion. Le travail d’explication et de recueil des témoignages reste essentiel au maintien de la solidarité entre le pays et son armée.
Et pour conclure sur une note personnelle, je veux rappeler le rôle essentiel des journalistes et reporters photographes dans la couverture des conflits, au moment où la mode est de critiquer les médias sans nuances. Quelle que soit la crise de la presse, en particulier en France, le journaliste comme individu est à distinguer du média comme entreprise. Le journaliste fait un métier souvent dangereux, inégalement valorisant, avec des risques disproportionnés par rapport aux avantages qu’il peut en retirer. Si le général Roquejeoffre n’est pas arrivé à organiser une réunion avec les envoyés spéciaux du Golfe, beaucoup étaient disponibles, et toujours motivés. Leurs récits, leurs photos et leurs témoignages font aujourd’hui partie de cette histoire collective qu’a été l’opération Daguet. Quelques-uns, avec ou sans combinaison NBC, se reconnaîtront peut-être sur cette photo de groupe prise devant le Nord 262, appelé “la Chose”, qui les transportait à travers le théâtre saoudien…
Bravo pour tout ce travail de recherche et de mémoire, Pierre!
Rédigé par : So | 19 août 2011 à 16:23
Merci So, j'ai été aidé par des gens super !
Rédigé par : Pierre | 20 août 2011 à 11:06