Lorsque David Ben Gourion proclama l’Etat d’Israël le 14 mai 1948, il ne demanda l’autorisation à personne et était prêt à défendre son pays les armes à la main. Sa légitimité était inscrite dans l’histoire et dans la souffrance de son peuple. Dès le lendemain, une coalition de pays arabes lui déclarait la guerre, mais Israël avait gagné le droit de survivre, envers et contre tous, jusqu’à devenir la puissance internationale qu’il est aujourd’hui.
Le 23 septembre 2011, Mahmoud Abbas est venu demander la reconnaissance de l’Etat palestinien à l’ONU, sans armes et après des décennies de négociations de paix (Photo REUTERS/Mike Segar). 29 ans exactement depuis que l’OLP a rendu les armes, depuis que Yasser Arafat a quitté Beyrouth en renonçant à la lutte armée, le 30 août 1982. Le silence de son départ dans le port de Beyrouth, escorté par les Légionnaires français et les Marines américains, était aussi dense et lourd que la page d’Histoire qui se tournait alors. Et la déclaration palestinienne revêt aujourd’hui la même légitimité, inscrite dans la durée et dans la souffrance de tout un peuple.
L’Etat palestinien avait déjà proclamé le 15 novembre 1988 par le Conseil national palestinien, Parlement alors en exil à Alger, dans l’indifférence générale des pays et des opinions mondiales. Mais pour les Palestiniens, il était le début de leur légitimation, avant même la fin de leur exil sans terre.
Presque trente ans ont passé depuis le renoncement à la lutte armée, trente ans pendant lesquels on a accusé les responsables politiques palestiniens de toutes les félonies, de toutes les violences. Présumés coupables a priori, les Palestiniens n’ont vu le plus souvent de main tendue que celle qui leur donnait des gifles. En évacuant Beyrouth (à droite, les combattants palestiniens escortés dans la Bekaa), ils ont renoncé à leurs milices historiques, celles du Fatah, du FPLP, du FDLP, la Saïka, et même les plus irréductibles, balayées par l’évolution ou les révolutions du monde arabe (FLA, FPLP-CG, etc.) On ne peut plus leur reprocher que la radicalité du Hamas et la prétendue passivité de ceux qui ne le condamnent pas…
Peu importe finalement le ou les vétos qui interviendront au Conseil de sécurité, peu importe le décompte des voix à l’Assemblée générale de l’ONU, les retards et les obstacles administratifs. L’important c’est qu’il y a une évolution d’autant plus irréversible qu’elle est symétrique de celle d’Israël. L’important c’est le mot prononcé, Etat indépendant, dans ces cultures du Livre où la force est dans le Verbe.
Car la Palestine ressemble depuis toujours à Israël, et les Palestiniens ressemblent plus aux Israéliens qu’à la plupart de leurs cousins arabes. Héritiers de la même démocratie parlementaire britannique dans leurs divisions et dans leur respect de l’opposition, un souvenir du mandat que l’on voit aussi chez les cornemuseurs palestiniens, ils sont eux aussi héritiers d’une même histoire millénaire de ces lieux également saints pour trois religions du Livre…
Ce qu’il faut souhaiter, c’est que les peuples sachent voir au-delà des constructions tactiques des politiciens. Et en premier lieu le peuple israélien, qui mérite autant qu’un autre de trouver la paix avec ses voisins, s’il en a le désir. La paix ou les colonies, c’est un choix stratégique qui laisse peu de place aux tergiversations et sur lequel il sera difficile de faire semblant plus longtemps. Tous les murs ont vocation à tomber, même et surtout celui de Jéricho.
La déclaration à l’ONU n’est peut-être qu’une étape, mais rien ne saura arrêter cette évolution vers l’émancipation du peuple palestinien. Accessoirement, les manifestations du “printemps arabe” avaient un peu oublié le conflit israélo-palestinien et la “cause palestinienne”, sans doute par lassitude. Il n’est pas impossible que cette dimension, la résolution de ce conflit de soixante ans, revienne en force au cœur des revendications de la jeunesse du monde arabe.
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