Beaucoup de handicapés, plusieurs milliers d'enfants ou adolescents aujourd’hui en France, sont privés de scolarité en raison de leur handicap. L’association des volontaires « Votre École Chez Vous » (VECV), association 1901 créée en 1953, a réussi à scolariser depuis le début plus de 7 000 enfants ou adolescents en Ile de France.
Un travail remarquable, mais beaucoup trop discret alors qu’il ne repose que sur la bonne volonté des uns et la disponibilité des autres. Un travail qu’il faut surtout élargir au reste du territoire en valorisant ce qui a déjà été fait, explique la présidente de l’association Béatrice Descamps-Latscha, qui évoque les « 5.000 jeunes encore exclus » de toute scolarisation par leur handicap.
Mon ami Bernard Sidler, photographe de terrain et photographe de cœur, correspondant de guerre mais aussi correspondant de paix, a accompagné pendant plusieurs mois les volontaires de cette association dans leur travail assidu au domicile de ces jeunes handicapés. Il en a rapporté une moisson de photos sobres mais émouvantes, et a sélectionné onze jeunes dont il présente le portait, d’où le nom de l'exposition : « Onze et tant d’autres ! »
Cette exposition, inaugurée à l’Hôtel de Ville de Cannes le 29 septembre avec la présidente de VECV, arrive bientôt à Paris pour aller successivement dans les mairies du 15e (du 18 au 31 octobre), du 2e (du 2 au 10 novembre) et du 12e arrondissement (du 14 au 30 novembre).
L’objet de l’association est dans un premier temps de récolter des fonds pour accompagner le plus grand nombre possible de jeunes handicapés déscolarisés en Ile de France. Et, au-delà, de susciter des volontaires, enseignants, parents ou partenaires financiers, pour créer d'autres Votre École Chez Vous partout ailleurs en France.
Cette ambition n’a pas besoin pour se concrétiser de quelques grands donateurs, même si le mécénat d'entreprise est très souhaité, mais de beaucoup de petits donateurs par des dons ponctuels ou réguliers de particuliers, afin de disposer de la capacité financière nécessaire à la création de postes d'enseignants en nombre suffisant. VECV est aussi en quête de fonds pour innover dans les technologies éducatives.
En 1978, l’établissement scolaire, géré par VECV, est passé sous contrat simple avec l’Education Nationale. VECV accueille des élèves en primaire, collège, lycée d’enseignement général et, depuis 2002, gère également un établissement d’enseignement technique hors contrat, agréé par l’Etat et financé par l’association. Les enseignements sont dispensés à domicile et préparent les élèves aux examens nationaux du brevet et des baccalauréats général et technique. La finalité est également de les aider à réintégrer une vie sociale ordinaire qui corresponde à leur âge. La scolarité est gratuite.
Les professeurs de l’établissement sont tous détenteurs de diplômes d’État. Certains sont rémunérés par l’Éducation nationale. D'autres le sont par l'association VECV, ce qui représente un très important poste de dépenses.
Dans l’expo, chaque portrait de jeune handicapé met en situation son professeur attitré qui explique comment Louis, Elodie, Lorène, Enzo, Ambroise et Clélia sont aidés à surmonter leur handicap respectif, comment sont testés les moyens techniques mis à leur disposition. Ainsi pour Louis, souffrant de problèmes neurologiques, écrire était une épreuve insurmontable et son écriture le plus souvent illisible. « Avec son ordinateur, il constate que sa trace est lisible et il peut la reprendre. Cet acte d’écrire, qui lui demandait tant d’effort, est devenu plus naturel et ludique », explique son professeur en commentant les progrès de l’enfant.
Il est fréquent que les enfants concernés – dont l'espérance de vie est parfois menacée – veuillent apprendre davantage encore que d’autres, ressentent encore plus le besoin de voir, de comprendre et de s’approprier un monde qui n’est pas tout à fait le leur, mais auquel ils veulent appartenir à part entière, explique l’association. Certes, ajoute VECV, la maladie entrave l’étude, mais l’étude contrarie la maladie et démantèle ces ingrédients souvent irréversibles que sont la solitude, l’abattement et l’angoisse.
Photographier des handicapés est toujours délicat, surtout si ce sont des jeunes. Ne pas tomber dans le voyeurisme, ne pas embarrasser le jeune ou sa famille mais au contraire témoigner des efforts et des succès et mettre en scène le tandem de confiance entre l’enseignant et son jeune élève. Bernard, tout en discrétion et en gentillesse, y arrive parfaitement : les photos de cette exposition ne mettent jamais mal à l’aise, elle sont au contraire un bel encouragement pour les jeunes ainsi valorisés, pour leurs familles et surtout pour les enseignants qui font un travail d’une fantastique humanité. Sans doute faudrait-il amener d’autres jeunes à cette expo, pour leur faire prendre conscience du privilège qu’ils ont de pouvoir aller normalement à l’école.
Photos: (c) Bernard Sidler
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