Réservée à une élite dès qu’il s’agit d’acheter – mais le plus simple est de ne même pas demander les prix – la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) de Paris est en réalité une très belle fête populaire, où l’on peut aller en famille, téléphoner, prendre des photos partout et toucher les objets, tout ce qu’on ne peut pas faire normalement dans un musée…
Cette 38e édition de la FIAC suscite la critique des spécialistes, normal dès qu’il s’agit de l’art, qui est à la fois création et marché avec le choc des valeurs esthétiques et des valeurs commerciales, la fameuse “cote” des artistes sur laquelle il n’y a aucune vérité scientifique.
La critique porte sur le fait, explique Le Monde, qu’il manquerait quelque 1.000 mètres carrés par rapport aux installations précédentes, à cheval entre le Grand Palais et la Cour carrée du Louvre, et qu’il n’y a donc pas eu de place pour tous les galeristes.
N’étant ni vendeur ni investisseur mais simple visiteur – j’aurais bien été acheteur dans l’expo d’à côté sur Matisse, Cézanne et Picasso, mais il n’y avait rien à vendre… – je dois dire que, tout en étant désolé pour ceux qui n’ont pas eu la place d’exposer, je me contente très bien de cet immense rassemblement de galeries et d’artistes qui occupe toute la surface centrale du Grand Palais et toute la galerie du premier étage.
Quel plaisir d’entrer sur tous les stands, de faire le tour des objets, de se laisser aller à son inspiration et à son goût personnel…
On peut passer plus de trois heures à se promener sans jamais s’ennuyer, et constater que la FIAC reste heureusement un lieu de promenade pour les familles, vu le nombre d’enfants qui s’y trouvent. Mais n’est-ce pas le plus bel apprentissage de l’art que de le découvrir comme un plaisir, comme une stimulation et non comme un parcours hermétique pour initiés ?
Le non-spécialiste que je suis ne se hasardera pas à des considérations distinguées sur la tendance du marché, ni sur l’évolution des arts graphiques et plastiques. Par rapport aux éditions précédentes, je ressens simplement qu’il y a plus d’objets et moins d’installations, et sans doute plus de figuratif que d’abstrait mais peut-être est-ce mon attention qui est inconsciemment sélective. Et bien sûr des clins d’oeil à l’actualité, comme ce “niqab”, voile islamique, spécialement crée par Daniel Knorr pour la statue de la Liberté.
Une chose est évidente: la photo prend désormais une place très importante et c’est justice de lui reconnaître le statut d’art à part entière. La photographe tchèque Jitka Hanzlovà y présente de superbes portraits de jeunes hommes et de jeunes femmes ressemblant à des portraits de la Renaissance, et la galeriste explique que, précisément, l’inspiration lui est venue à la suite d’un voyage en Italie où la peinture de la Renaissance l’a impressionnée.
Mon deuxième coup de cœur est pour l’artiste chinois Li Wenzen, qui expose “Railway Station” un bas-relief en bronze peint de 2 m de marge et quelque 300 kg, créé à quatre exemplaires seulement, et qui raconte toute une
histoire, toute une tranche de vie de la Chine contemporaine: multitude des Chinois de base mais aussi policiers, militaires, notables, paysans, minorités, et même un touriste occidental avec une valise : tous ces gens sont là et attendent, se pressent, nous regardent et témoignent de la vitalité d’un pays en pleine ébullition. Ce n’est pas l’œuvre la plus osée de cet artiste très anticonformiste, mais un très intéressant témoignage social et je suis certain qu’en regardant les détails, un spécialiste pourrait déceler nombre d’impertinences et de provocations.
Mention spéciale aussi pour l’Italien Alighiero Boetti, qui expose un art teinté de géopolitique, avec une création d’enveloppes timbrées à l’effigie de roi de Jordanie, envoyées selon la galeriste depuis l’Afghanistan et collées dans l’ordre d’arrivée pour “donner une logique artistique au chaos postal”… Juste à côté, une tapisserie du monde où les pays sont représentés par leurs drapeaux ce qui permet, explique-t-elle encore, de dater exactement la tapisserie en fonction de l’évolution des pays : clairement, celle-ci porte encore le manteau rouge de l’URSS et est donc antérieure à 1991...
Dernière note de ces impressions fugitives et purement subjectives, le plaisir extrême de redécouvrir l’architecture unique du Grand Palais après sa restauration : non seulement les voûtes de verre ont retrouvé toute leur transparence mais on admire l’architecture en bronze peint des rampes, des piliers et des poutres,ainsi que l’élégance des escaliers en marbre aux volutes étonnantes. Paris peut être fier d’un tel monument, et la FIAC a enfin retrouvé, après la triste parenthèse du Palais des Expositions, un cadre digne de l’art et de la création.
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