C’est un nouveau média que l’ECPAD a utilisé pour commémorer à sa façon le vingtième anniversaire de l’opération Daguet : un web-documentaire de plus de cinq heures trente d’entretiens et de documents filmés, qui sera mis en ligne gratuitement début décembre. La bande annonce a été placée sur le site de Theatrum Belli et celui de l'Amicale Daguet.
Frédéric Bouquet, qui a déjà réalisé trois documentaires (sur le Colbert, la Jeanne d’Arc, et l’opération de Kolwezi) a choisi cette fois une solution technique innovante, déjà retenue notamment par Arte mais encore peu répandue sinon en France. Pour plus d'infos sur le webdocu, voir le lien. Le principe en est très simple : plutôt que de faire un montage de 52 minutes qui oblige toujours à faire des choix réducteurs, le réalisateur a interviewé une vingtaine de témoins ou d’acteurs de l’intervention française qu’il a conservées dans leur presque intégralité.
Avant Internet, on aurait pu faire ça avec un coffret de DVD, mais rien n’est plus fastidieux que d’avoir de telles compilations qu’on ne regarde jamais car elles sont trop longues, trop ambitieuses. La mise en ligne permet cette souplesse qui fait que le lecteur-internaute choisit d’aller où il veut, à son rythme, grâce à un sommaire et à des onglets permettant de repartir dans le sens qu’on veut, soit en zappant rapidement, soit au contraire en réécoutant telle intervention qu’on voudrait approfondir.
Le réalisateur est honnête, il attribue la paternité de l’initiative à l’Amicale des anciens de la division Daguet, et à son animateur, le général Derville, qui souhaitait offrir au public une commémoration de Daguet à la hauteur de ce vingtième anniversaire, et avait apporté à l’ECPAD une liste d’une quinzaine de personnalités dont il fallait recueillir le témoignage.
On avait déjà réfléchi à l’ECPAD aux avantages techniques du web-documentaire, on avait étudié ce qui existant, d’abord des montages assortissant des supports photo à une bande son, puis grâce à la puissance d’Internet, de véritables séquences vidéo.
Aidé et entouré d'une équipe de quinze personnes de l'ECPAD, entre l'équipe de tournage et la post-production, Frédéric Bouquet a relevé le défi et, avec le triple soutien moral et financier de l’Amicale Daguet, de la Direction de la mémoire des archives et du patrimoine du ministère de la défense, et de l’ECPAD, il s’est attaqué à cet ambitieux sujet et à cette nouvelle technique - et comme l'ECPAD a déjà lancé cette année sa première application I-pad, il envisage de s'y lancer pour valoriser les fabuleuses archives historiques et militaires de l'établissement.
Les uns après les autres, les témoins ont défilé devant un rideau noir, parlant dans l’obscurité avec un projecteur dans les yeux. Une discussion historique où la question ne sert que comme élément déclenchant, tant les témoins étaient impatients de raconter, se souvient-il.
Tous se sont prêtés au jeu, avec simplicité et passion : le général d’armée Maurice Schmitt, ancien chef d’état-major des armées (en haut à droite), le général d’armée Michel Roquejeoffre, chef des forces françaises dans le Golfe, et son adjoint le général Tanneguy Le Pichon ; les deux commandants successifs de la division Daguet, le général de division Mouscardès et le général d’armée Bernard Janvier (ci-contre à gauche), ainsi que plusieurs chefs de corps : le général d’armée Bernard Thorette (3° RIMa), ancien CEMAT, le général Yves Derville (2e REI), le général Michel Barro (1er RS) et son épouse, le général Hubert Ivanoff (1er REC), le général Gilbert Le Guen (Groupement de soutien logistique).
Egalement significatifs, les témoignages d'acteurs des combats : un pilote d’hélicoptère de manoeuvre Puma (LCL Jean-Marc Imbault), un artilleur (LCL Gagnaire, du 11e RAMa), de cavaliers (capitaine Gaultier d’Andlau, commandant un escadron d’AMX10-RC du 1er RS; LCL Jacky Allavena, commandant un escadron de chars AMX30-B2 du 4° RD).
Une place importante aussi aux démineurs (Col Eric Nachez du 6e REG, LCL Edmond Blatt commandant le déminage et la dépollution en zone urbaine) aux soutiens (colonel Jacques Serre, ancien officier Transmissions de Daguet) et en particulier au soutien santé, dont le rôle a été primordial (général Cudennec, patron de l'hôpital de campagne, et son épouse ; général Bernard Lafont, psychiatre présent sur le théâtre, colonel Lefebvre, médecin d’unité). Quelques témoignages non militaires dont le commandant du car-ferry Danielle Casanova, Yves Pellicot, qui avait rapatrié les forces depuis l'Arabie saoudite en fin d'opération, Jean Bousquet, alors député-maire de Nîmes, un journaliste d’agence…
Le général Colin Powell, ancien chef d’état-major de l’armée américaine, n’a pu se rendre au Fort d’Ivry pour se livrer à l’interrogatoire mais a accepté de livrer son témoignage, enregistré par l'intermédiaire du colonel Brice Houdet, attaché de défense à Washington), ce qui est encore un témoignage de l’estime des responsables américains pour le rôle des Français dans cette opération.
le montage final se présente sous forme matricielle, pour éviter l’effet de longueur d’une simple mise bout à bout des interviews : celles-ci sont découpées et regroupées sous cinq chapitres successifs : le prologue, Desert Shield (la mise en place), Desert Storm (l’offensive), le retour (accueil en France et debriefing), enfin l’épilogue (les leçons tirées du conflit). Chaque témoignage est enrichi par des images inédites ou des séquences vidéo d’archives, et des liens permettent de naviguer en arrière ou ailleurs si l’on veut préciser un point.
Interrogé sur les ratages, les refus, les incidents qu’il aurait pu rencontrer dans son tournage, Frédéric Bouquet répond en souriant : au contraire, chacun avait quelque chose de plus à apporter, au point que lorsque les généraux Derville, Thorette et Ivanoff ont visionné la totalité du montage pour le valider, non seulement ils n’ont rien coupé mais chacun a reconnu qu’il avait appris des choses qu’il ignorait…
Photos (sauf Colin Powell) : (c) Johann Peschel - ecpad
Impatient de découvrir ce document !
Rédigé par : Dominique Carteron | 05 novembre 2011 à 08:20