Le candidat socialiste aux présidentielles François Hollande a exposé dimanche ses orientations sur la Défense, notamment : remettre les valeurs au centre de la politique internationale de la France, préparer le retrait de l’Afghanistan, interdire à l’Iran de devenir une puissance nucléaire militaire mais éviter « toute initiative militaire unilatérale » contre ce pays, refonder la politique de coopération de défense avec l’Afrique, relancer l’Europe de la défense avec la Grande Bretagne et l’Allemagne, mais aussi l’Italie, l’Espagne et la Pologne, et construire une politique industrielle « forte, cohérente et contrôlée ».
Clairement, le discours du candidat Hollande n’a pas marqué une rupture, ce qui est traditionnel dans le consensus des Français sur la défense. Les propositions de Ségolène Royal n’avaient pas non plus marqué de rupture et son seul « affrontement » avec son rival Sarkozy avait porté sur… le nombre de sous-marins nucléaires stratégiques à la mer. Mais François Hollande a ses références, qu’il a citées en début et en fin de discours, et qui font la différence avec le discours actuel : François Mitterrand et Jean Jaurès.
D’emblée, il s’est posé comme l’héritier de Mitterrand qui, dans une sorte de discours héritage aux militaires, peu avant la fin de son mandat, déclarait que « la guerre ce n’est pas le passé, ça peut être l’avenir : c’est à vous d’être les gardiens de la paix, de la sécurité, les gardiens de cet avenir ».
Devant un public de spécialistes de la défense et de responsables politiques, dont les anciens premiers ministres Michel Rocard, Laurent Fabius et Lionel Jospin, les anciens ministres Elisabeth Guigou, Alain Richard, Jean-Yves Le Drian (son conseiller défense), Jean-Michel Baylet, Jean-Pierre Masseret, Edwige Avice et la plupart des parlementaires socialistes concernés par le sujet, il a regretté que les thèmes de la défense de la France aient été jusqu’à présent peu présents dans la campagne électorale.
François Hollande a d’abord rendu hommage aux militaires engagés dans la défense. « Je pense à nos soldats engagés au péril de leur vie en Afghanistan ; mais je pense aussi aux marins engagés dans la lutte contre la piraterie dans le golfe d’Aden, et aux aviateurs qui ont prouvé leur efficacité pour protéger les populations libyennes ».
Pour lui, la responsabilité présidentielle de chef des armées repose sur une certaine vision de la France et du monde, sur une certaine constance dans les décisions, sur le sens de l’intérêt général et sur une conception élevée de la nation. Mais surtout, sur l’idée que la France puisse faire résonner à nouveau sa voix pour la défense des grandes valeurs qui sont les siennes.
A ce sujet, il a souligné qu’une politique de défense exigeait qu’on fixe une stratégie « clairement distinguée de la sécurité intérieure », et reposant sur une « conception claire de la menace ».
Ces menaces, il les a donc listées en trois grandes catégories : le terrorisme, qui se maintient malgré la disparition du chef d’Al-Qaïda, avec le renforcement d’AQMI en Afrique saharienne ; les menaces non militaires type catastrophe naturelle mais qui peuvent exiger une mobilisation de moyens militaires, un risque particulièrement actuel en ce jour anniversaire de Fukushima ; enfin la course aux armements à laquelle on assiste depuis dix ans en Asie et au Moyen Orient – et naturellement la prolifération, contre laquelle il faut mener une « lutte implacable ».
Sa plus grande inquiétude, a-t-il indiqué, est la tension en Iran et dans le Golfe : l’Iran a certes le droit à développer son énergie nucléaire, mais doit respecter la non-prolifération. La France est déterminée, pour François Hollande, à une attitude de fermeté face aux ambitions nucléaires iraniennes dans le domaine nucléaire. Il faut que toute porte reste ouverte au dialogue pour dénouer la crise mais à l’inverse, « toute initiative militaire unilatérale serait inopportune ».
La défense de la France doit s’appuyer également sur une expertise renforcée liée aux moyens de renseignement, afin de lui permettre de s’adapter rapidement aux nouvelles menaces : menaces contre l’espace maritime, menaces contre l’espace extra-atmosphérique, menaces des cyber-attaques…
Evoquant la crise actuelle en Syrie, François Hollande a exprimé sa « condamnation absolue » des massacres perpétrés par Bachar el-Assad : il devra rendre un jour des comptes pour les crimes qu’il commet, « devant le Tribunal pénal international ».
En Afghanistan, la situation reste « grave et confuse ». François Hollande rend hommage aux 82 soldats morts pour la France : « mes pensées vont à eux, à leurs familles, à leurs camarades mais aussi aux blessés, nous ne les oublierons pas, nous ne les abandonnerons pas ». Le candidat redit son engagement, s’il est élu, à mettre en œuvre le retrait des forces françaises, « conséquence logique dix ans après le début des opérations ». Il en informera les alliés de la France et fera en sorte que « fin 2012, nos soldats seront retirés ».
Il s’engage du reste à ce que l’ensemble des missions d’opérations extérieures soient « réexaminées : j’entends instaurer une pratique nouvelle ; au lieu de demander au Parlement un assentiment en bloc, le nouveau gouvernement entendra procéder régulièrement à une réévaluation de chaque engagement, pour constater publiquement s’il reste adapté à la mission ».
L’Afrique, traversée par des conflits et des convoitises, riche de possibilités et « c’est là que se joue aussi une part de l’avenir du monde », fera également l’objet d’un réexamen, avec une coopération « débarrassée des forme anciennes héritées de la période postcoloniale : je veux refonder la politique de coopération de défense avec l’Afrique, et je veillerai à associer à cette politique nos alliés européens ». Et comme un leitmotiv, revient la référence aux valeurs : « qui ne voit que nous changeons d’époque ? La France doit porter ses valeurs… »
L’Europe est également centrale : l’Europe de la défense doit prendre une nouvelle dimension. Il faut poursuivre les efforts d’adaptation de la relation franco-britannique, mais aussi en revivifiant la coopération franco-allemande, et en l’élargissant à ceux qui veulent y prendre leur part, Italie, Espagne, Pologne, autour de programmes de coopération. Globalement, la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne doit être consolidée.
L’OTAN sera aussi réexaminée avec attention : la réintégration de la France dans le commandement intégré a été faite par « le président sortant sans concertation politique, dans la précipitation et sans contrepartie ». Il veillera s’il est élu à ce qu’une évaluation permette à la France d’obtenir les contreparties évoquées antérieurement à sa réintégration. Et il se rendra au sommet OTAN de Chicago les 20 et 21 mai pour annoncer la décision de retrait de l’Afghanistan mais aussi la posture de la France sur le projet américain de défense antimissile.
La consolidation de la dissuasion nationale est « indissociable de notre sécurité et de notre dimension internationale ». Elle est « l’arme de l’autonomie de nos choix ». Avec la dissuasion, le siège permanent au Conseil de sécurité et la capacité permanente de s’engager dans les crises, la France dispose ainsi des trois piliers de sa souveraineté. Rappelant qu’il a déjà effectué une visite à la composante Marine de la dissuasion à Brest, le candidat socialiste a annoncé qu’il ne « renoncera à aucune de nos prérogatives » et conservera « les deux composantes de la dissuasion », aérienne et sous-marine.
De la même façon, la défense ne sera pas pour lui une variable d’ajustement des contraintes budgétaires, et le ministère de la défense contribuera aux économies du budget public « dans la même mesure que les autres fonctions de l’Etat ». Dans ce contexte serré, il a mentionné des besoins qui seront prioritaires dans l’équipement des forces : les fonctions d’anticipation, analyse et renseignement (avec la dimension spatiale), les besoins opérationnels immédiats (protection des unités, moyens de commandement, drones trop négligés).
Cela lui a permis d’évoquer le volet des industries de défense fournissant ces équipements, et il s’est engagé à « construire une politique industrielle de défense ; je veux une industrie de défense forte, cohérente et contrôlée », avec notamment une politique d’exportation « plus rigoureuse » et un renforcement de la DGA. Il a mentionné les regroupements européens lancés par le gouvernement Jospin et a affirmé qu’il fallait les poursuivre, précisant qu’il surveillerait de près l’évolution des grands groupes « mais sans le mélange des genres » qui caractériserait selon lui les relations actuelles du politique et de certains groupes.
François Hollande a évoqué un certain nombre de dossiers sur lesquels il lancerait des processus d’évaluation, notamment le bilan du rattachement de la Gendarmerie à l’Intérieur, le problème de la « judiciarisation » des événements de combat, souhaitée par les familles mais qui inquiète les militaires, la dimension des réserves opérationnelles et la nécessité de fidéliser les réservistes en tenant compte de leurs périodes d’indisponibilité.
Citant Jaurès, Hollande a conclu sur le rôle de la défense comme élément de cohésion du pays : « l’armée doit rester un creuset de la cohésion nationale » et, en particulier, donner la priorité à la prise en compte des problèmes de la jeunesse.