La crispation à droite du président sortant a enfermé ses électeurs gaullistes traditionnels dans une telle équation impossible qu’elle ouvre un véritable boulevard à la victoire du candidat de toute la gauche, dont tout porte à croire qu’elle sera encore renforcée avec les législatives de juin.
Plus les jours passent, moins j’en croise, parmi mes amis de la droite “gaulliste”, qui soient convaincus de voter Sarkozy au second tour, et beaucoup préfèreront aller à la pêche, ils l’avouent sans complexe, plutôt que de cautionner une évolution dans laquelle ils ont du mal à se reconnaître. Autant dire qu’en se tournant délibérément vers l’électorat frontiste, le président sortant s’est aliéné une partie précieuse d’un électorat gaulliste dont il se disait l’héritier légitime.
L’addition mathématique des voix du premier tour, faite par nombre de spécialistes, n’a aucun sens et, si la France est sociologiquement plus à droite qu’à gauche, comme ces élections le confirment à nouveau, elle s’apprête à consolider une double majorité de gauche, présidentielle et législative.
Au-delà du fait que les électeurs n’appartiennent pas aux candidats ni aux partis, et que des transferts imprévus restent toujours possibles quelles que soient les consignes des candidats battus, la faiblesse relative de la gauche à l’issue du premier tour (en total des voix, la gauche n’est visiblement pas majoritaire) renforce paradoxalement les chances d'un François Hollande candidat de la raison et de normalité et avec lequel peuvent s'identifier tous les partisans d'un changement démocratique et responsable.
Le score moins important que prévu de Jean-Luc Mélenchon, le relatif effondrement des écologistes et la quasi disparition des centristes font que le candidat socialiste n’apparaît plus otage de qui que ce soit et peut se présenter à l’électorat comme un futur président libre de sa politique.
Les mêmes ingrédients sont réunis pour que la gauche enregistre aux législatives de juin une “vague rose” comparable à celle qu’elle avait déjà connue dans le passé : avec des écologistes affaiblis, un parti communiste amoindri malgré “l’effet Mélenchon”, une extrême-gauche disparue, le PS sera demain en mesure d’emporter nombre de circonscriptions sans besoin d’alliances, un peu comme le Lorientais Jean-Yves Le Drian l’avait fait aux dernières régionales en emportant la région Bretagne sans besoin des Verts, ayant déjà attiré certains élus écologistes dans sa propre majorité dès le premier tour.
Un signe qui ne trompe pas, c’est la rapidité avec laquelle la presse internationale, et d’abord anglo-saxonne, a considéré au lendemain du premier tour que Sarkozy était fini et que la gauche française était crédible – ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques semaines. Pas impossible non plus que Nicolas Sarkozy ait payé cette désaffection à la fois en tant que symbole de l’arrogance française qui insupporte tant nos voisins et partenaires, et comme représentant d’un axe Merkel-Sarkozy jugé dépassé dans sa gestion de la crise internationale, par excès de rigidité budgétaire : aujourd’hui, la réduction des déficits ne suffit plus et l’exigence d’une politique de relance, prônée depuis longtemps par François Hollande, est de plus en plus acceptée dans les milieux d’affaires européens qui redécouvrent tardivement les vertus du Keynésianisme.
Restera ensuite à reconstruire un nécessaire équilibre des forces politiques avec la recomposition d’un grand parti conservateur, qu’il s’appelle ou non UMP. Si le Front national veut battre Sarkozy aux présidentielles, ce qu’il peut contribuer à faire, en revanche aux législatives, s’il joue cavalier seul, il n’arrivera qu’à diviser la droite sans arriver à faire élire un nombre significatif de députés. Donc il redescendra de son score obtenu au premier tour des présidentielles et l’UMP pourra prétendre à nouveau fédérer la droite et ses valeurs républicaines.
Entretemps, bien du temps aura passé et le changement proposé par François Hollande dans son programme aura eu le temps d’être transformé en actes, non pas malgré la crise dont tous les commentateurs affirment qu’elle va paralyser la gauche – c’est beaucoup plus vraisemblable, on l’a vu, avec une droite libérale – mais à cause de la crise. En supposant bien entendu qu'il ait une majorité au parlement pour soutenir sa politique de changement...
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