Le peintre et sculpteur colombien Ferdinando Botero s’est offert un superbe cadeau pour son quatre-vingtième anniversaire : il a prêté au musée des Beaux-Arts de Mexico 166 pièces de sa collection privée sur les 177 exceptionnellement présentées à Mexico, dont cinq sculptures monumentales sur l’esplanade des Bellas artes.
Un événement pour l’art, mais d’abord un événement tout court pour les milliers de Mexicains qui font la queue sous le soleil pour espérer entrer dans le musée. D’autres milliers se contentent de se promener autour des sculptures géantes et de se prendre en photo, par familles entières.
Né à Medellin le avril 1932, Botero a acquis une stature mondiale – il a notamment exposé plusieurs de ses sculptures aux Champs-Elysées à Paris – mais a gardé une tendresse particulière pour le Mexique, terre d’inspiration qui l’a aidé à mûrir au fil de sa carrière. C’est ce qu’il a expliqué lors de l’inauguration par le président mexicain Felipe Calderon.
L’originalité de cette exposition, dans les étages de l’étonnant Musée des Beaux-Arts, est qu’elle retrace toutes les facettes et toutes les périodes de sa carrière artistique, avec bien sûr des sculptures en bronze, en terre, ébauches ou statues finies et polies, mais aussi des peintures avec les mêmes formes d’une générosité débordante ainsi que des dessins, moins connus et révélant le processus de sa création.
Le peintre-sculpteur, qui a puisé sa connaissance dans les peintres de la renaissance italienne ou les impressionnistes français, n’oublie pas au Mexique de rappeler qu’il a derrière lui « cinq ou six mille ans d’art qui nous précèdent ». Parmi ses références italiennes, un irrésistible Piero della Francesca, le fameux portrait revisité par Botero avec ses volumes et ses proportions incroyables, et la non moins célèbre Mona Lisa de Léonard de Vinci, à laquelle il a su conserver son énigmatique sourire.
L’Institut national des Beaux-Arts a publié un superbe catalogue exhaustif, avec des textes d’accompagnement de Mario Vargas Llosa, Carlos Fuentes, Jaime Moreno Villarreal, Juan Gustavo Cobo et Lina Botero, qui chacun dépassent l’expo (ouverte jusqu’au 17 juin) pour raconter une histoire, une partie de la vie ou de carrière de Botero.
Une carrière qui ne se conjugue pas au passé, et une création dont les rondeurs ne se confondent pas avec la mièvrerie. Très frappante, au premier sens du terme, une série de tableaux consacrés à la prison américaine d’Abou Ghraib en Irak, révélée pour ses scènes de torture humiliantes.
Un détenu, les yeux bandés, a des larmes de sang qui lui coulent sur les joue, comme un Christ de peinture baroque espagnole, et d’autres scènes n’ont rien de naïf, preuve que le style de Botero peut être incisif et très dur derrière ses courbes. Un témoignage très frappant, très militant pour un homme encore très engagé dans l’actualité la plus proche.
Difficile de savoir comment le ressent cette population qui défile pour lui rendre hommage. Incontestablement, Botero est ici totalement chez lui et n’a besoin d’aucune publicité pour attirer les foules, la foule de « ses » partisans, pour reprendre une expression militante qui lui correspond bien...
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