C’est encore confidentiel, le bureau des élèves de l’ENA a demandé à la direction des études de remplacer les stages d’initiation au parachutisme par des cours de pilotage de pédalo. Un signe que les bourgeons de la fine fleur de l’élite française ont parfaitement intégré les nouveaux leviers du pouvoir.
Avenue de la Grande Armée à Paris, les concessionnaires automobiles font grise mine : avec ou sans publicité en anglais et en allemand, les clients délaissent leurs vitrines pour aller demander au seul magasin d’accessoires de marine des dépliants sur les différentes modèles de pédalos, prétendument pour préparer les vacances d’été, en fait pour montrer qu’ils sont “tendance”.
A Neuilly, à Levallois, à Puteaux, les écoles de pilotage maritime où l’on prépare le brevet fluvial, côtier et hauturier, ne désemplissent pas de candidats à la conduite sur pédalo, avec ou sans instruments de navigation, et même sur eBay on n’en trouve plus qu’un ou deux à vendre à des prix prohibitifs (ci-contre un modèle basique à 1000 euros), un autre signe de ce nouvel engouement du public.
A la Gendarmerie nationale, on prépare secrètement des escortes sur jet-ski, avant que les policiers et les CRS, qui ont une expérience poussée des sports de plage, n’envisagent d’en faire autant. Le groupe de sécurité présidentielle étudie également la mise au point d’une Papamobile aquatique pour les manifestations publiques, assurant un minimum de protection par des vitres blindées.
Et pourquoi le pédalo ne serait-il pas un progrès pour la France, pour la société, pour la démocratie, pour la bienséance et pour le bonheur des peuples ? Car les côtés négatifs de ce moyen de transport – il est lent, il est encombrant, il ne marche vraiment bien qu’en ligne droite, on en sort toujours mouillé – ne sont rien par rapport à ses immenses avantages : il ne pollue pas, il est convivial, officiellement il est prévu pour deux personnes mais des familles entières peuvent s’y entasser…
Et surtout, contrairement aux bateaux de croisière les plus sophistiqués qui risquent l’échouage pitoyable ou la tempête médiatique, ou même aux pirogues motorisées sur le Maroni, le pédalo a une particularité qui ne devrait échapper à personne en période de crise : il est totalement insubmersible. Certes il peut être entraîné par le courant mais il ne chavire pas et son équipage finit toujours, même épuisé, par revenir à bon port en accompagnant le pédalage, fastidieux jusqu’à la tétanie des cuisses, par un savant mouvement de godille avec le gouvernail à main, tout le monde a essayé cette brillante manœuvre.
Le pédalo va devenir à la France ce que la gondole est à Venise : un élégant symbole de la douceur de vivre, de la rotondité, de l’équanimité, et en même temps de la navigation rectiligne, envers et contre tous les éléments. Il suffit d’un bon pilote de pédalo, et la France est sauvée.
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