Mon petit doigt me dit que Pierre Darcourt aurait enfin, à 86 ans, obtenu la reconnaissance de l’armée française pour ses écrits, et que le prix Erwan Bergot, prix littéraire de l'armée de Terre créée en 1995 pour récompenser un ouvrage célébrant les valeurs d'engagement au service de la France, devrait lui être officiellement décerné tout prochainement, pour son dernier livre, « L’honneur et le sang – les guerriers sacrifiés ».
L’attribution du prix n’était pas évidente car Darcourt est membre du jury et, comme tel, ne pouvait pas concourir. Mais son livre a été présenté sans qu’il soit le moins du monde candidat lui-même et, après quelques discussions de principe, c’est la qualité du livre qui l’aurait emporté, sans son vote. Ainsi que le fait que, contrairement à d’autres titres envisagés, Pierre Darcourt avait porté témoignage de faits d’armes français et peu connus, notamment les batailles des forces françaises avec les armées japonaises pendant la deuxième guerre mondiale.
Si elle était confirmée, cette reconnaissance ne serait que justice. Surtout connu comme journaliste, correspondant de guerre et spécialiste « des » guerres d’Indochine, il est né à Cho Lon (Saigon) en 1926 et y a vécu toutes les guerres; il est devenu ensuite le chroniqueur défense du Figaro et le premier président de l’AJD, l’Association des Journalistes de Défense. Mais Pierre Darcourt n’en est pas moins, on le sait trop peu, un véritable écrivain, avec une dizaine d’essais, chroniques, récits et romans au style enlevé et tranché comme son caractère, qu’il a vif comme son verbe est haut.
Outre d'innombrables articles dans les médias internationaux (L’Express, Time Magazine, l’agence japonaise Jiji Press, puis finalement Le Figaro), Darcourt a en effet consacré de nombreux ouvrages à l’Asie, à l’Indochine et aux combats de l’armée française : « De Lattre au Viet-Nam - Une année de victoires » (1965), « Requiem pour l'Église de Chine » (1969), « Armée d'Afrique - La revanche des drapeaux » (1972), « Vietnam, qu’as-tu fait de tes fils ? » (1976), « La Défaite Indochinoise » (1976), « Bay Viên, le maître de Cho Lon » (1977), « La Mort Dans Les Yeux » (avec les commandos britanniques en Inde, 1997).
D’autres passions comme l’Afrique, en particulier le Tchad, et ses racines familiales, la Corse, l’ont amené à écrire « le roi des Bergers » (chroniques du maquis corse, 1994), « Tchad, le chemin de la liberté » (1999), et encore « Le Tchad, 15 Ans Après - Hissène Habré, La Libye Et Le Pétrole » (2001).
Pour autant, ce doyen de la presse de défense ne se complaît pas dans des évocations nostalgiques, et scrute avec attention les théâtres d'opération où sont engagées des forces françaises. Son jugement reste exigeant sur les responsabilités du commandement politique et opérationnel français et sur les péripéties des armées française en Afrique et en Afghanistan. Pas sûr qu'il obtiendrait un prix militaire s'il écrivait noir sur blanc le fruit actuel de ses analyses sans concession...
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