C’est évidemment par le Texas, patrie du rodéo, que devait commencer la tournée américaine de l’hélico à grande vitesse X3, hybride d’hélicoptère et d’avion développé par Eurocopter pour démontrer la faisabilité d’une solution technologique alliant un rotor et deux hélices autour d’un double turbopropulseur.
Nulle part mieux qu’à Grand Prairie, à la sortie de Dallas, cet appareil révolutionnaire devait-il réussir son exercice de saute-nuages, ce qu’il a fait devant un parterre attentif d’employés, techniciens et clients d’American Eurocopter, hommes politiques texans et cow-boys à grand chapeau. Un public de connaisseurs, le climat de cette région des Etats-Unis privilégiant l’aviation d’affaires et le développement en particulier du parc des hélicoptères, publics, privés et parapublics.
Parmi les appareils présentés, en vol ou sur la piste, figuraient notamment deux hélicoptères MH-65C Dauphin des Coast Guards, deux autres de différents corps de police, plusieurs appareils d’évacuation sanitaire,des EC225, AS350, et bien entendu des hélicoptères EC145 appartenant à de petites compagnies de transport ou à des particuliers. Ainsi bien entendu que l’hélicoptère léger de l’US Army UH-72A Lakota, avec lequel Eurocopter a fait une véritable percée sur le marché militaire américain.
Et c’est un particulier qui avait prêté l’exceptionnelle Alouette II qui escortait le X3 à son arrivée, avant que celui-ci ne se lance dans des acrobaties que son aîné d’un demi-siècle aurait eu du mal à suivre. Une Alouette qui a ému Dominique Fournier, Flight Test Engineer du X3 : « c’est le premier hélico que j’ai piloté », se souvient-il avec nostalgie.
Le X3, programme secret lancé en 2008 par le patron d’Eurocopter Lutz Bertling avec une équipe d’ingénieurs à laquelle il avait donné carte blanche, a été développé en un temps record de deux ans et demi, avec un premier vol d’essai en septembre 2010 à Istres et a fait sa première sortie devant le grand public au salon du Bourget de juin 2011 - où il a été très en vedette. Avec modestie, Lutz souligne qu’il n’est pour rien dans la réussite de ce démonstrateur. En fait il en a assumé l’entière responsabilité, prenant ainsi le plus gros risque. Mais un pari sur l’avenir qui lui a réussi, puisqu’il a lancé depuis une série de programmes destinés à rajeunir la flotte en proposant des appareils de nouvelle génération dans les différentes catégories.
Choisir les Etats-Unis pour sa première sortie à l’étranger était un hommage au dynamisme et à l’innovation de ce marché, auquel les Américains semblent avoir été sensibles à en juger par le programme très chargé de l’appareil : près de 3.500 km de périple prévus depuis le Texas jusqu’à Washington en près d’un mois de déplacements, avec la visite de plusieurs grandes bases militaires : celle de Redstone en Alabama, la base de Fort Bragg en Caroline du nord, où l’appareil sera examiné avec attention par plusieurs commandements dont les forces spéciales, l’aéroport de Manassas en Virginie et pour terminer des infrastructures militaires à Washington.
Au menu de chaque visite, un vol de démonstration suivi de plusieurs vols d’une heure destinés à quelques privilégiés dont un sénateur, quelques PDG, des amiraux et généraux en liste d’attente pour ce baptême de l’air très particulier. Premier à avoir bénéficié d’un vol d’essai, Lutz Bertling (ci-dessous à gauche) brandit fièrement son « certificat numéro 1 », le même qui sera donné aux happy few invités à s’asseoir à côté du « experimental Test Pilot » Hervé Jammeyrac (au centre), tandis que le troisième homme, le Flight Test Engineer (à droite), est assis en place arrière.
Cet hélicoptère se pilote plus facilement qu’un hélicoptère ordinaire, rassure Dominique Fournier. L’accélération se fait par une simple commande qu’on pousse, rien de plus, et l’appareil prend sa vitesse tout seul. Une révolution par rapport à l’hélicoptère traditionnel qu’on doit pencher en avant pour le faire avancer, « et le rotor a horreur de ça », commente de son côté Hervé Jammeyrac. Sur le X3, le rotor à cinq pales ne sert qu’à la sustentation et c’est la paire d’hélices qui le pousse avant. Ce qui explique qu’il lève son nez de façon impertinente pour monter, comme un avion, dans un mouvement beaucoup plus naturel.
Le voir évoluer confirme sa maniabilité, dans toutes les directions, y compris sa capacité à accélérer instantanément ou au contraire à ralentir pour s’arrêter en vol stationnaire. Et cela laisse imaginer toutes les applications possibles, notamment militaires, m'expliquait un spécialiste aéronautique invité à Grand Prairie : plus grande stabilité de systèmes d’armes avec un appareil qui reste dans l’axe de sa progression, sans s’incliner, avantage de la vitesse pour un éventuel ravitaillement en vol moins risqué que dans la configuration traditionnelle des hélicoptères à des vitesses de 200 km/h, etc…
American Eurocopter est un fournisseur reconnu des forces armées américaines, et a trouvé sa place, explique Marc Paganini, le président d’American Eurocopter, filiale d’EADS North America, à la décontraction toute texane. Grâce notamment à un investissement important dans les simulateurs, l’entreprise forme désormais des centaines de militaires, mécaniciens et pilotes, à l’utilisation des différentes plates-formes de la gamme.
Le paradoxe du X3, constatait le même spécialiste, c’est qu’il n’est qu’un démonstrateur de technologie dont les applications pratiques n’ont pas encore été explorées, mais qu’il suscite déjà un intérêt assez vaste de la part de clients privés, para-publics, publics et militaires, qui imaginent un appareil un peu plus gros, idéalement un Super-Puma qui irait deux fois plus vite : un rêve pour les opérateurs de plates-formes offshore, pour le transport de passagers d’une ville à l’autre, pour les secours en mer, évacuations sanitaires et autres opérations spéciales.
Le pari d’Eurocopter, en exportant son concept aux Etats-Unis, est peut-être justement de susciter un intérêt global et des demandes spécifiques qui pourraient déboucher sur des spécifications futures, bref se tailler un marché à la mesure d’un appareil sans précédent, et sans équivalent…
Et le X3 n’est qu’un des éléments forts d’une stratégie plus ambitieuse, explique Lutz Bertling aux spectateurs : « Nous avons une stratégie ambitieuse d’innovation qui vise à faire voler une nouvelle version ou un nouveau démonstrateur de technologie chaque année. L’innovation chez nous n’est pas un mot à la mode, c’est notre manière d’être réelle».
Eurocopter a mis les moyens, y compris en communication, avec une équipe photo-vidéo qui suit cette tournée américaine. Des images à ne pas rater sur les deux sites www.events.eurocopter.com et www.press.eurocopter.com.
Commentaires