Il y a des gens qui pour leur anniversaire reçoivent des cadeaux de leurs amis. D’autres, plus généreux, prennent l’occasion pour faire eux-mêmes des cadeaux à leurs amis. L’octogénaire et sémillant Fernando Botero, qui vient d’offrir aux Mexicains une superbe exposition de ses œuvres sculptées, peintes et dessinées, au palais des Beaux Arts de la capitale fédérale, a prolongé les festivités en offrant cette fois une série de ses œuvres en exposition à Pietrasanta, au cœur de la Toscane du marbre et des sculpteurs.
Du 7 juillet au 2 septembre, une dizaine de ses sculptures géantes s’offrent librement à la vue des passants dans la vieux centre, tandis que ses œuvres graphiques, dont beaucoup jamais ou rarement exposées, sont visibles aux heures d’ouverture de l’église Saint-Augustin qui fait face au « campanile di mattonelle », le clocher en briques rouges du début du 15e siècle qui surplombe la ville. Un cadeau pour la ville dont les habitants connaissent bien l’artiste et sa famille et où ses sculptures font partie du paysage, avec leur sensibilité propre. Autant à Mexico c’est le monumental qui était chez lui, monumental comme les pyramides, les Murales et les dieux indiens, autant ici c’est la rondeur et la sensualité méditerranéenne qui dominent – avec une certaine indulgence des mères de famille ayant perdu leur silhouette de jeune fille, qui regardent avec le sourire de Mona Lisa les nus de Botero avant de prendre le chemin de la plage, à Marina di Pietrasanta…
La rencontre avec ce lieu n’est pas fortuite. Pietrasanta est entre Versilia et Massa di Carrara. Depuis des millénaires, au moins depuis la Rome antique, on extrait des montagnes qui dominent ce littoral toscan, au nord de l’Arno, le marbre blanc et de couleur qui s’exporte aujourd’hui encore vers le monde entier.
Au 13e siècle, Guiscardo da Pietrasanta y fonda la « petite Athènes de la Versilia », qui devint le lieu de rencontre d’artistes promis à la renommée mondiale, dont Michelange et Vasari. Des générations d’artistes y ont installé leur atelier, à portée de leur matière première, et ont donné de leurs œuvres à la ville.
Une autre raison est plus particulière : l’artiste colombien (au-dessus à droite, photo d'agence), qui affectionne l’Italie, passe régulièrement plusieurs semaines par an à Pietrasanta, dont il apprécie la qualité de la fonderie et où il a lui-même un atelier depuis 1983, ainsi qu’une villa sur une colline au-dessus de la localité. En hommage à la qualité artistique de la ville et de ses artisans, l’artiste colombien lui a offert en 1992 le "guerrier" (au-dessus à gauche), statue massive installée place Matteotti, à l’entrée de la vielle ville, sorte de gardien débonnaire faisant face à la mairie. Il a également offert à la ville les deux fresques “les portes du Paradis” et “les portes de l’enfer”, qu’il a peintes en 1993 dans l’ancienne église de la Miséricorde. Le mieux intégré est, comme toujours les chats en Italie, le gros chat de Botero, né ici puisqu’il a été fondu dans “la petite Athènes”, comme beaucoup de bronzes du sculpteur colombien.
“C’est une ville très importante pour moi, c’est un centre culturel où je passe deux mois chaque année. Ici on travaille bien, on est bien, on mange bien", a expliqué Botero à la presse locale. C’est ici qu’il a été gagné par la rondeur, sa marque de fabrique : “quand je suis arrivé en Italie, j’ai eu l’occasion de voir les œuvres des artistes italiens majeurs qui m’ont confirmé l’importance des volumes : je vois dans le volume l’exaltation de la sensualité, quand elle s’intensifie c’est l’objet lui-même qui devient plus dense; dans l’art, ce qui est beau dans la vraie vie est comme banal, alors ce qui est laid est sublimé".
Ville artiste et ville musée, Pietrasanta vit au rythme de ses artistes passés et présents. Les expositions ouvertes s’y succèdent et s’y croisent en bonne intelligence. Ainsi Paolo Staccioli, (voir son site www.paolostaccioli.it/) lui aussi peintre et sculpteur et de surcroît céramiste, participe-t-il à la décoration de Pietrasanta à travers une exposition de sculptures en métal qui aussi anguleuses que celles de Botero sont rondes, mais les deux familles, sans se faire face car Staccioli occupe un espace un peu à part, cohabitent harmonieusement dans cette ville tournée vers les arts.
Après avoir étudié la céramique à Faenza, patrie de la faïence, Staccioli a ouvert un atelier à Scandicci près de Florence, où il se consacre principalement au travail du métal, avec une prédilection pour les personnages énigmatiques et sans visage, les guerriers et les chevaux... Après Michel-Ange, Botero n’a pas choisi cette ville au hasard.
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