L’eau bouillante en pleine montagne, c’est une ressource naturelle dont la Toscane jouit dans de nombreux endroits et qu’elle exploite depuis l’antiquité avec des établissements thermaux, et plus récemment avec des centrales à géothermie, dans des paysages parfois lunaires, parfois au contraire particulièrement luxuriants, sous les effets contradictoires de la vapeur et du soufre.
Depuis l’antiquité étrusque et romaine, les habitants de la Toscane avaient appris à utiliser les sources d’eau chaude et sulfureuse affleurant dans les collines surplombant la Maremme, tout autour de l’ancien volcan éteint du Mont Amiata.
Fumerolles, jets de vapeur ou d’air brûlant, roches jaunes sulfureuses, ces sources étaient propres à soigner certaines affections, d’où l’apparition de thermes qui existent encore aujourd’hui. A Sasso Pisano, en haute Maremme derrière Monte Rotondo, les thermes étaient recouverts de tuiles en terre cuite portant le « F » de Fofluna, le nom étrusque de Populonia.
L’eau jaillit de terre à cent degrés, d’où les jets de vapeur, puis est canalisée par des conduites d’où elle sort encore brûlante. On ne peut y laisser la main sans se brûler. D’où la construction de vasques et de bassins successifs en cascade, afin de permettre de se baigner sans crainte. Avec l’air frais de la montagne, sauf au plus chaud de l’été, l’eau se refroidit toute seule en coulant d’un bassin à l’autre, et l’on retrouve bien le caldarium, le tepidarium et le frigidarium des thermes romains.
Un peu plus loin, l’eau du torrent est elle-même chaude et, depuis toujours, promeneurs et visiteurs viennent s’y baigner même l’hiver dans la neige. Les piscines naturelles de Saturnia, au-dessus de Grosseto, sont les plus connues, mais celles de Sasso Pisano, cachées dans la verdure et ignorées de la foule, sont pleines de charme. Rien à voir avec les centres de balnéohérapie aux équipements plus modernes, ici on peut se baigner en prenant juste soin de ne pas glisser sur la mousse très dense tout au bord.
Dans son blog remarquable illustré avec les photos de Jean-Michel Mestdagh, le spécialiste de vulcanologie Bernard Duyck écrit que, les premiers, « les Etrusques ont utilisé l'acide borique déposé par les vapeurs et les eaux chaudes de la zone, de nature volcanique, pour la fabrication d'émaux ».
Mais c’est au 18e siècle, raconte-t-il, que commence l’exploitation industrielle de l’acide borique : en 1777, Uberto Francesco Hoefler, directeur des pharmacies du Grand Duc de Toscane, identifie l'acide borique, dénommé à l'époque "sel sédatif", dans les eaux sulfureuses de Monterotondo. Puis en 1812 débute la production industrielle d'acide borique. C’est le comte François de Larderel, un français, qui développe l'idée de création de lacs artificiels autour des sources de vapeur, et utilise les calories de la vapeur pour faire évaporer l'eau enrichie en acide borique.
Entre 1818 et 1846, toujours selon Bernard Duyck, Larderel crée huit usines et, en 1846, une ville, fondée pour accueillir les ouvriers, est baptisée Larderello, en hommage à son action. La production de dérivés boriques et ammoniacaux prospère jusqu'à la fin du 19° siècle.
A la mort de Larderel en 1904, le prince Ginori Conti prend sa succession et allume symboliquement cinq ampoules avec l'énergie issue de la vapeur, annonçant pour l'année suivante la construction de la première centrale expérimentale destinée à alimenter de façon autonome la localité et le site industriel. La création d'une turbine actionnée par la vapeur constitue une "première mondiale" de production électrique par la géothermie.
Larderello sera suivie d'autres centrales géothermiques, et toute cette réghion montagneuse est aujourd'hui parcourue d'un réseau de tubes épais acheminant l'air chaud dans toutes les localités pour en assurer le chauffage, d'autant plus appréciable que les hivers sont rigoureux sur le relief toscan.
C'est ainsi que le paysage est ponctué de cheminées coniques surmontées d'un panache de vapeur, symbole de l'énergie la plus propre qui soit. L'ENEL, société italienne de production d'électricité, en a fait le symbole de son engagement en faveur de l'environnement.
Placée au quatrième rang mondial et au premier rang européen pour la production géothermique d'électricité, l'Italie réunit en Toscane les trois centrales géothermiques électriques produisant une énergie propre tant recherchée : Larderello, le Mont Amiata et Travete Radicondeli. L'implantation d'autres usines est prévue d'ici à la fin de la décennie.
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