Une promesse vieille d’un an : venir nous faire un Cacciucco tout pour nous, la fameuse soupe de poissons de Livourne qui n’a rien à voir avec la bouillabaisse. Laura a tenu promesse, arrivant ce matin avec sa grosse marmite, les cinq sortes de poissons, tous les ingrédients nécessaires et les deux heures à préparer – en nous l’expliquant – ce monument de la cuisine méditerranéenne que nous avons ensuite dégusté en famille.
Un plat simple mais qui demande du temps, et qu’on ne peut trouver de la même façon dans un restaurant, c’est une évidence que nous avons découverte en suivant la lente élaboration du plat. Un plat d’autant plus simple qu’il faisait à l’origine partie des plats de cuisine toscane « pauvre », préparés par les pêcheurs avec les restes de la pêche après la vente du poisson.
Et d’abord, les ingrédients frais, venus du marché : un poisson genre rascasse, un poulpe ou autre (pieuvre, seiche), des coquillages (coques, moules ou patelles), des crevettes ou autre crustacé, une tête de poisson (c’était un saumon), d’autres poissons si disponibles (rougets), des légumes (oignon, ail, carottes, céleri), des tomates pelées (tomates olives de préférence car neutres au goût), un verre de vin rouge, deux à trois piments rouges (peperoncino), des feuilles de laurier…
Il faut commencer par préparer les éléments du court-bouillon en épluchant les crevettes, en préparant les têtes, nageoires, arrêtes et queue de poisson. Dans une grande casserole, on commence donc par faire chauffer l’huile avec le peperoncino, deux gousses d’ail écrasé (d’un coup sec avec tout objet un peu lourd), le laurier, les carottes et le céleri coupés en bâtonnets. Une fois les légumes légèrement revenus, on ajoute la tête de poisson, les carapaces et têtes de crevettes, puis un litre d’eau et on laisse cuire à feu doux.
C’est le moment de préparer la rascasse – sans se piquer – en l’écaillant sous le robinet, puis en coupant les deux filets qu’on préserve, et on met la tête, la queue et les arêtes et nageoires dans le court-bouillon.
Au tour du poulpe : il faut couper la tête, la vider, bien sortir la dent (ci-dessous à gauche), puis couper le corps dans la longueur pour séparer les tentacules.
Bien laver à l’eau du robinet pour faire partir le sel. Après avoir préparé un grand faitout avec de l’huile, du laurier et de l’ail écrasé, qu’on fait blondir, on y jette le poulpe qui va rosir en enroulant ses tentacules, puis qui va dégorger son eau dans laquelle il va cuire, avant qu’on le recouvre d’un verre de vin rouge. C’est le corps de la soupe, qu’on va mettre à feu doux. Pour le poulpe, certaines personnes conseillent de le mettre au congélateur pour l’assouplir mais Laura estime que cela n’est pas nécessaire à partir du moment où il va cuire très lentement.
On y ajoute 500 grammes de tomates pelées, fraîches ou en boîte, si possibles des tomates bien mûres, genre olivette, puis on incorpore les filets de rascasse.
Le lit de la soupe Il faut alors préparer le « lit » de la soupe : des tranches de pain sans sel un peu sec (important d’éviter tout ajout de sel car le poulpe et les coquillages vont donner le leur) qu’on fait griller au four, avant d’en tapisser les assiettes à soupe, on les frottera avec une gousse d’ail avant de les disposer côte à côte.
Mélange du court bouillon et du corps de la soupe et la suite… Une bonne heure a passé depuis que le court-bouillon a commencé à cuire, c’est le moment de le passer et de le verser dans le grand faitout.
On jette alors les abats – on aura pris soin auparavant de prendre ce qu’il y a de bon dans la tête du saumon – et les restes de ce court bouillon.
Les coquillages attendaient qu’on s’occupe d’eux. Il faut commencer par les faire tremper dans de l’eau bien salée, puis on les trie pour jeter ceux qui sont ouverts.
Dans une grande poêle, faire rosir une demi-gousse d’ail et jeter les coquillages qu’on aura égouttés, puis les laisser cuire à feu doux cinq à dix minutes. Il faut alors jeter leur jus dans la soupe el le tamisant –on peut utiliser une gaze- pour enlever le sable s’il y en avait dans les coquillages, et enfin ajouter les coquillages à la soupe.
La poêle va servir à présent à faire revenir rapidement les crevettes bien décortiquées, à feu vif avec une goutte de vin blanc, ou rouge si on n’a pas de blanc. Les crevettes peuvent être enfin rajoutées à la soupe. La poêle sera dégraissée et le jus ajouté à la soupe si celle-ci a trop réduit, avec un peu de vin aussi.
La cuisson est terminée, on couvre la casserole – ou le caquelon – et on laisse reposer. Idéalement, la soupe devrait être préparée la veille, laissée au réfrigérateur et réchauffée le lendemain. Dernier point important, la consistance de la soupe ne doit pas être trop liquide, c’est plutôt ce qu’on appelle en Italie un « ragout », une sauce un peu épaisse.
La présentation
Au moment de passer à table, on verse la soupe et ses morceaux sur le lit de pain (les croutons), en prenant soin de garnir chaque assiette avec les différentes sortes de poisson. La Cacciucco se déguste avec un vin rouge un peu corsé, car le goût est fort et relevé, nous avions choisi un vin de Bolgheri. Eviter les cravates et les nappes fragiles, c’est un plat qu’on commence avec les couverts et qu’on finit avec les doigts. Et surtout ne rien prévoir d’autre qu’un dessert léger, genre sorbet, c’est en soi un repas très consistant !
Laura est repartie dans l’après-midi avec sa grosse casserole, sa patience et son amitié, et nous a fait passer un moment inoubliable. Grazie Laura, et vive le Cacciucco livournais !
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