Alberto est comme Neptune, il n’a pas d’âge. Son pointu non plus, une vieille barque de pêcheur à moitié abandonnée qu’il a récupérée il y a une quinzaine d’années à Cecina, plus au nord sur la côte toscane, avant de la retaper entièrement.
Des années de boulot tranquille, de bricolage et d’essais en mer, pour arriver à ce joli petit bateau à voile rouge amarré dans la baie de Salivoli, à Piombino, qui prend la mer et traverse tranquillement le détroit de l’île d’Elbe, dès qu’il y a un peu de brise.
Petite mais large, la barque est stable. Un vrai pointu de Méditerranée, capable de rentrer au port si la mer se lève. Un pont couvert avec un réduit – pas une cabine – et une cale avec deux pompes et un moteur. Une petite planche de bord réduite au minimum : charge de la batterie, profondeur de l'eau, cap, vitesse du vent. Besoin de rien de plus, sinon d'un sixième sens pour anticiper les coups de vent, fréquents dans l'archipel toscan.
Un moteur diesel qui tourne rond, en trois quart d’heures il l’amène à Palmaiola, l’îlot qui est aux trois quarts de la route entre la presqu’île de Piombino et l’Elbe. Mais suffisamment lent pour permettre au promeneur en kayak d'en faire le tour avant de se faire inviter à bord pour une promenade... à condition de ne pas être pressé, s'excuse-t-il.
Alberto hisse sa voile tout seul, à la main, il n’y a rien d’automatique sur un pointu ! Le mat a été récupéré, il l’a retaillé aux proportions d’une barque sans quille et sans dérive. Pas idéal pour faire de la voile, admet-il : l’absence de quille se fait sentir par vent de travers, le Mistral le fait dériver complètement. La voile est aussi de sa conception, il l’a retaillée plusieurs fois et maintenant elle lui donne satisfaction.
Malgré son nom de « Lemme Lemme » (quelque chose comme « molo molo »), le petit bateau qui va sur l’eau a de bonnes jambes. Je l’ai vu filer il y a quelques jours, cap au large en direction de l’Elbe, poussé par un vent arrière qui commençait à gonfler la mer. Alberto apparaissait au-dessus des vagues, puis disparaissait dans les creux, sans dévier de son cap.
Netpune n’a pas peur des flots. Il est chez lui dans le canal de l’Elbe. Pas peur des grands voiliers non plus, ni des ferries qui font la navette, entre Piombino et Portoferraio, et dont la route est parfaitement connue. Tout redoute-t-il les plaisanciers sur leurs grosses vedettes à moteur, qui foncent sans regarder devant eux avant d’aller faire la file au port, devant la station essence. "Moi je ne consomme pas", plaisante-t-il. "Juste un peu de vent et un peu de fuel pour rentrer au port…"
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