« Moi, boucher, je jette un os dans la mare de l’emploi » - voilà un cri du cœur qui réjouit, loin de toutes les théories alambiquées sur le chômage et sur comment le combattre, en attirant l’attention sur le fait que certains débouchés professionnels manquent de ressources et sont ignorés par les jeunes, trop orientés sur des filières généralistes.
Après le plombier polonais, sujet qui avait beaucoup agité la France en 2005 à propos de la directive Bolkenstein (Philippe de Villiers avait parlé de plombier polonais et d'architecte estonien), c’est donc le boucher français qui occupe le terrain, merci à Libération de lui avoir offert une page entière dans « Rebonds ».
Le boucher en question, Hugo Desnoyer, reste à son très modeste niveau et ne prétend pas donner de leçons d’économie, mais il a quand même créé 35 emplois en dix ans et formé de nombreux jeunes. Mieux que certains grands patrons qui ont fermé des milliers d’emplois ou délocalisé des usines entières, mais ce n’est pas lui qui en parle.
Que dit simplement ce boucher, plein de bon sens ? Qu’un de ses confrères boucher, dans une banlieue parisienne gravement touchée par le chômage, avait affiché une offre d’emploi d’apprenti boucher et qu'il n’a eu aucune réponse en deux ans : « il y a 4.000 ouvriers bouchers manquants. Et dans les autres métiers de bouche (charcutier, boulanger, pâtissier, cuisinier, etc.), c’est par dizaines de milliers que des emplois restent vacants. Des milliers de plombiers sont aussi introuvables, sinon à prix d’or ou polonais ».
Le problème n’est pas nouveau puisqu’il y a quelques décennies déjà, Fernand Raynaud avait moqué les racistes qui critiquaient “ces étrangers qui viennent manger le pain des Français”, avant de conclure que le boulanger avait fini par quitter le village… car il était un étranger… il y avait déjà pénurie de boulangers à l'époque !
Pourtant ces métiers ne sont pas plus pénibles que d’autres, et les conditions appréciables pour un jeune qui démarre, même sans formation : « chez moi, on peut gagner 2 300 euros net à 18 ans, nourri, logé », ajoute-t-il.
Le problème vient selon lui du manque de considération, pour ne pas parler du mépris, qui pèse sur les métiers manuels et artisanaux : « Les métiers manuels sont sciemment dévalorisés au profit des métiers «immatériels », où l’on garde "les mains propres", métiers bureaucratiques, de service, sans parler des professions dites "nobles". Alors que l’artisanat est le premier employeur en France, nous subissons le discrédit qui s’attache aux fonctions de nourrisseurs publics qui sont les nôtres ». (ci-dessus : boucherie La Renaissance, à Uzès)
C'est une évolution des mentalités, avec l’élévation du niveau des jeunes et la culture du diplôme, qui a « marginalisé des métiers supposés frustes, bons pour les recalés du système éducatif, du calcul mental et de l’orthographe ». Entre les parents et le système éducatif, ce sont toutes les filières professionnelles qui souffrent d’un handicap, face à la filière générale vers laquelle on se bouscule et « peu importe que ce soit au mépris des débouchés du marché du travail ».
« Des milliers de jeunes, loin d’être le rebut de la filière générale, devraient être orientés dès l’amont vers ces métiers d’avenir et ces bassins d’emplois que sont les mille et un métiers d’artisans, dans l’alimentaire et le reste ».
Notre boucher français ne désespère pas en voyant l’engouement nouveau pour la cuisine et la gastronomie : « rêvant sur le destin des grands chefs français, les apprentis cuisiniers sont désormais légion et savent qu’ils trouveront à l’étranger ces emplois qui sont l’image de la France ».
Mais il faudra selon lui une révolution culturelle, il utilise l’expression, pour inverser le cours des choses et ramener ces jeunes chômeurs, réels ou potentiels, vers des débouchés largement ouverts et où ils ont la possibilité de se valoriser. Je me contente de le citer mais il faut lire sa tribune en version originale, dans Libé, pour entendre les accents de sincérité de cet artisan fier de sa profession, et à juste titre. Et sans doute faudrait-il suggérer d'inclure des épreuves de mécanique et de cuisine dans la scolarité de l'ENA, pour sensibilier les futures élites aux métiers manuels ?
Le témoignage de ce boucher illustre bien un des problèmes majeurs que rencontre l'artisanat depuis bien longtemps alors qu'il est porteur d'emplois mais aussi de lien social, les entreprises artisanales étant présentes sur l'ensemble du territoire.Le Livre blanc de l'UPA (Union Professionnelle Artisanale) propose des actions concrètes pour attirer les talents vers l'artisanat et le commerce de proximité.Les métiers manuels ne doivent pas être dévalorisés et ils mènent à des emplois de qualité. A quand une prise de conscience de l'éducation nationale, mais aussi des Français en général ?
Rédigé par : Bertrand FAYET | 07 septembre 2012 à 09:27
Merci infiniment d'avoir posté ceci. Moi j'aime infiniment ma viande, alors pourquoi pas le Boucher français? Mais d'un autre coté on a tous besoin du plombier de Quebec http://www.plomberiequebec.ca
Rédigé par : Sandrine | 16 novembre 2012 à 16:36