Au début des années 1960, Moto Guzzi présentait sa première V7 (bicylindre en V de 703 cc) destinée à la police italienne (puis aux polices du monde entier, j’en ai vu à Cuba), ensuite déclinée en V7 spécial, mastodonte routier de 750 cc qu’on verra sur toutes les routes d’Europe. Il faut attendre 1971 pour voir apparaître, dessinée par Lino Tonti, la superbe V7 Sport, très sportive de conduite mais d’une tenue de route extraordinaire. J’ai eu la chance d’en avoir une pendant quelques années, grâce à mon garagiste favori HT Motos à Palaiseau, elle était de 1972 et dans un état rare. Puis je l’ai revendue bêtement, à un collectionneur japonais.
Pour réparer cette grave erreur, et après une sage interruption comme tout motard qui a des accidents, j’ai craqué il y a quelques mois pour la “replica” de la V7 Sport en m’offrant une “750 Café classic”, dans la veine des motos-rétro proposées par les constructeurs pour les vieux motards nostalgiques des seventies, dont bien entendu Triumph et Ducati.
Quarante ans après, quelle différence ! Commençons par dire, très honnêtement, que la Café classic n’a de sportif que le look, et qu’elle est vraiment adaptée à la conduite pépère de permis de conduire sans âge comme le mien. La V7 Sport était une bête fougueuse, qui savait accélérer avec de la puissance à tous les régimes ; mais elle était très réticente à ralentir, à cause d’un freinage déjà faible à l’époque et devenu complètement dépassé avec le rythme actuel de la circulation. Le superbe frein à tambour à l’avant (photo en bas à gauche) demandait beaucoup d’énergie à serrer à la main, le frein arrière était un honnête ralentisseur, et je me suis fait plusieurs fois des frayeurs en voulant freiner à l’arrière : avant qu’on en vienne au standard japonais qui est aujourd’hui celui de toutes les motos, les Européennes avaient à l’époque le levier de vitesse à droite (et position des vitesses inversée) et le frein à gauche. Il m’est donc arriver de passer la vitesse supérieure en voulant freiner, pas génial !
Par chance, Guzzi a su conserver le plaisir d’un moteur reconnaissable entre tous par son couple latéral et ses vibrations à bas régime, qui le fait vivre sans qu’on ait besoin de regarder le compte-tours. On conduit à travers les sensations, c’est un moteur qui est constamment présent – ce n’est pas le cas sur certaines motos modernes, où on n’entend rien et on ne sent rien, comme si on était en voiture. Bien entendu, avec les nouvelles réglementations, l’échappement est audible mais ce n’est plus ça…
Dans l’aspect extérieur, les ressemblances ont été soignées : peinture verte pour certains modèles, compteur et compte-tour à aiguille surmontés des quelques voyants lumineux, comme au bon vieux temps, juste quelques indicateurs électroniques discrets pour compléter (heure, température, kilométrage). Avec les mêmes demi-guidons abaissés genre bracelets, la position est très proche de la V7 Sport. Mais une fois en route, ça n’a plus rien à voir. La V7 Sport a généré une série de motos sportives et routières “raides et rapides” dont les différentes Le Mans (850 et 1000). La Café classic est en réalité une déclinaison de la 750 Breva, moto plus que tranquille, et s’apparente donc davantage à une moto de loisir qui peut sans difficulté affronter le trafic urbain : moteur sans inertie, légèreté de la direction, réponse instantanée tant à l’accélération qu’au freinage, grande légèreté de la moto dans son ensemble (mais en ayant sacrifié la béquille centrale, dommage).
C’est donc le compromis idéal pour celui qui se croit encore un jeune pilote dans la tête mais qui a les pieds sur terre quand il compte les accidents de deux-roues sur le périphérique et sait qu’il n’a plus l’âge pour enfourcher une MV Agusta Brutale. Et je ne sais pas encore quelle peut être sa vitesse de croisière sur autoroute, pas pressé de le découvrir, mieux vaut tranquillement la roder… En fin de carrière motarde, le vieux tarmo a d’abord besoin de se faire plaisir : une Guzzi café, what else ?
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