En Italie, les expressions “perbacco” (par Bacchus) et “Diamine” (par Diane chasseresse) ont survécu à deux millénaires de culture chrétienne, et si “per Giove” (par Jupiter) est moins fréquent, les traditions païennes restent vivaces, dont le culte du vin hérité de la Grèce antique.
Au pays des Etrusques, qui ont les premiers importé les ceps, la vinification et les amphores grecques, le vin reste un art et, si les cépages d’origine ont sans doute disparu, il en est comme le Sangiovese, aux feuilles très larges et à la grappe dense et lourde, qui sont authentiquement locaux, à côté du Merlot, du Syrah et du Cabernet.
Si les plus connus sur la cote toscane sont les vins de Bolgheri dont le Sassicaia, et ceux de Montalcino dont le Brunello, la Maremme offre une grande diversité de terroirs et de crus, avec des vins de tradition mais de plus en plus des vins de recherche et d’assemblage avec des entrepreneurs qui, sans être forcément du cru, investissent dans la qualité, avec des œnologues réputés, pour créer des sites comme celui de la cave de Petra près de Suvereto, dans le Val di Cornia.
Cette cave est la rencontre de la famille Moretti, de Brescia, qui a décidé de mettre en valeur ce vignoble à travers le projet “Petra”, du professeur Attilio Scienza, enseignant la viticulture et l’œnologie à l’université de Milan et spécialiste des terroirs, et de l’architecte suisse Mario Botta, créateur notamment de la cathédrale d’Evry et du musée d’art moderne de San Francisco. qui a eu carte blanche pour créer ce temple bachique aux lignes étonnantes : adossé à mi-colline, cet ensemble tient du four solaire et du temple maya, à ceci près que l’escalier monumental n’est pas celui où coule le sang des sacrifices mais au contraire évoque les flots qui coulent du raisin pressé pour devenir ce sang des dieux qu’est le vin.
Les vignobles partent de la colline et descendent en pente douce vers le bas du domaine de 93 hectares, disposés en formes symétriques par rapport au monument central et répartis en fonction de la qualité de la terre et de l’ensoleillement, les récoltes s’étendant sur plusieurs semaines en fonction des cépages. La visite vaut le déplacement, mais sur rendez-vous, et permet d'apprécier tout le processus depuis la viticulture jusqu'à la vinification.
Le raisin une fois mûri est cueilli et amené dans des cuves en métal où il fermente une dizaine de jours avant pression, dans les premières salles du monument. Structures modernes, le traitement est séparé pour chaque cépage qui est ensuite mis à fermenter et décanter douze à dix-huit mois dans des fûts puis des barriques en chêne, dans des salles creusées à même la colline.
On s’enfonce dans un plan vertical jusqu’à aboutir à une longue galerie à la fraîcheur saisissante où reposent les barriques, presque 900 de différentes tailles – et l’exploitation en rachète une centaine par an. La visite, uniquement sur rendez-vous, vaut le déplacement et il faut juste surmonter le choc thermique quand on sort des galeries de la colline pour se retrouver sous le soleil d’été et attaquer la dégustation d’usage, pour comparer cépages et crus.
L’affinage et l’assemblage, faits par un œnologue français, déterminent la production annuelle, le haut de gamme, le “Petra” (70% Merlot, 30% Cabernet) n’étant assemblé que si la récolte “le mérite”. En entrée de gamme on trouve les appellations Zingari, Ebo et Mareto, et en milieu de gamme des monocépages, Quercegobbe (merlot), Potenti (Cabernet sauvignon) et Alto (Sangiovese). Après la mise en bouteille, le vin repose encore douze à dix-huit mois avant l’étiquetage et la mise en cartons.
La vinification et le vieillissement séparés permettent de satisfaire tous les goûts. A la demande du marché export, l’Australie a ainsi son “Treperuno” (trois pour un) et le Canada son “Chartier”. Ce sens de l’adaptation permet une production de 100.000 bouteilles par an, pour ce seul domaine qui a moins de dix ans d’âge dans sa forme actuelle. Vittorio Moretti, industriel dans le secteur de la construction, du bâtiment, et même de la construction navale avec Maxi Dolphin, possède plusieurs autres crus dont La Badiola près de Grosseto et Franciacorta près de Brescia… Le vin est à l’évidence un secteur qui ne connaît pas la crise, quand on joue sur la qualité.
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